Quelles attitudes durant les phases du projet "Voyage de la marionnette" ?
Suite à l’article « Le projet Voyage de la marionnette a-t-il un intérêt supplémentaire ? », je poursuis en détaillant les attitudes que l’enseignant peut tenir durant les trois phases que j’ai décrites.
Phase 1 : Dans un premier temps, les élèves sont un peu perdus et ont besoin de plusieurs récits pour intégrer les règles et agir en conséquence. La nouveauté et la répétition des situations vont donner l’attrait et permettre une attention relative mais suffisante.
L’attitude de l’enseignant :
Il informe les élèves que celui qui raconte se positionne sur la chaise de l’enseignant en situation centrale, cela indique clairement que c’est lui qu’on écoute.
Il exige le total silence durant tout le récit, de son côté, il s’oblige à ne pas intervenir respectant ainsi la parole du récitant . Il ne parle que si celui-ci se trouve en difficulté ou qu’il a besoin d’être relancé, cependant son intervention doit se limiter à reprendre ce qui a été dit, sur le ton de l’interrogation ou bien à lancer un « et ensuite » ou « alors ? ». La fermeté de sa demande de respect du silence ne doit laisser aucun doute, il justifie par le fait que l’enfant a besoin de concentration pour se rappeler et pour raconter , que de la même façon lorsqu’on écoute une histoire ,on se tait, eh bien il faut être attentif jusqu’à la fin du récit.
Chaque récit durant cette première phase est précédé d’un petit rappel d’abord formulé par l’enseignant puis ensuite par un élève. Le choix de celui-ci est ciblé, il est conseillé de demander à l’élève qui se montre irrespectueux des règles afin de l’aider à intérioriser celles-ci. Comme je vous l’ai expliqué dans « la construction des règles chez l’enfant », l’enfant peut ne pas comprendre que la règle s’adresse à lui , il l’entend mais ne la prend pas en compte, il ne l’intériorise pas. En la reformulant, il se l’approprie et il est plus enclin à la respecter.
Phase 2 : celle où la nouveauté n’existe plus, où les règles sont connues mais sont encore trop contraignantes pour la capacité d’attention insuffisamment exercée. Cela veut donc dire que cette phase si « instable » soit-elle ne doit pas mener au découragement ni au laisser-aller, bien au contraire c’est dans cette phase que les élèves vont apprendre l’attention soutenue et l’écoute active. Le déclic aura lieu, la persévérance sera récompensée à condition d’avoir eu des exigences adaptées.
L’attitude de l’enseignant :
Durant cette période, l’enseignant va se montrer exigeant, il tient son cadre, il sait que pour certains élèves cela peut être difficile mais il a le devoir de les aider à se contrôler. Pour cela, il peut se positionner à côté d’un de ces perturbateurs, un contact physique peut suffire à calmer et d’ailleurs l’observation de l’enseignant qui écrit peut parfois suffire à canaliser son attention. Le regard de l’enseignant est aussi un moyen de communiquer et en adressant un œil désapprobateur accompagné d’un doigt sur la bouche , il indique clairement ce qui est attendu. Il peut également stopper le récit pour remettre les règles au cœur de la séance. Il peut priver le perturbateur de la séance de questions en lui demandant de se taire puisqu’il n’a pas pu le faire avant. Et enfin en dernier recours, il peut envoyer l’élève qui s’agite de manière trop importante sous la responsabilité de l’ATSEM qui se trouve également dans la classe. Cette attitude de forte exigence est contraignante mais c’est une étape qu’il faut savoir négocier parce qu’elle est porteuse d’avenir.
Phase 3 : celle des bénéfices acquis, le groupe est capable de s’auto-gérer ( le récitant distribue la parole), chacun se sent concerné et souhaite participer aux échanges. L’enseignant mesure avec ses élèves les progrès obtenus et c’est une vraie fierté que de parvenir à un collectif aussi solidaire et respectueux de la parole du récitant.
L’attitude de l’enseignant :
Pendant cette phase, l’enseignant se fait le plus discret possible, il laisse son groupe garant du cadre, il sait qu’il n’aura sûrement que quelques interventions parfois pas du tout. C’est une grande satisfaction qui émerge aussi bien de la part des élèves que de l’enseignant qui sait quels efforts il a fallu à chacun pour arriver à cette cohésion.
Je rappelle également qu’après chaque récit, l’enseignant remercie celui qui a raconté, c’est une forme d’encouragement auquel les élèves sont sensibles.
Enseigner demande effort, persévérance et détermination, les moments de doute et de découragement existent, il est normal que certains jours paraissent plus impossibles que d’autres, et c’est pourtant là qu’il se passe quelque chose, c’est invisible mais c’est souvent le signe d’un progrès, en baissant les bras à un moment crucial , l’enseignant perd ce qu’il était en train d’atteindre. La force mentale, la volonté, l’espoir peuvent faire défaut, dans ce cas, parler est le meilleur remède, mettre ses doutes à distance en les exposant aux autres, à un autre, voilà ce qui est possible de faire.