Et si le coin repli servait aussi à s'ennuyer ?
La discussion sur le coin pour se replier en classe nous amène vers un sujet plus large qui est la question de l’ennui.
Donner un coin où il n’y a rien à faire, où le vide est constitutif du lieu, où l’élève s’extrait en se laissant aller, n’est-ce pas le risque de provoquer l’ennui ?
Qu’est-ce que l’ennui ? Pourquoi les familles mais aussi les enseignants sont-ils si prompts à vouloir l’éviter à tout prix pour leurs enfants ou leurs élèves ?
N’entend-on pas « Il s’ennuie à l’école » et n'est-ce pas considéré comme un fait inacceptable ? C’est d'ailleurs souvent l’école maternelle qui est pointée dans la responsabilité de cet ennui, alors on espère et parfois on accélère le changement en sautant une classe, preuve que le travail devait être trop facile et l’occupation insuffisante.
Mais qui est capable de définir l’ennui de son enfant ou de son élève ? A quoi le mesure-t-on ? Et l’ennui n’est –il qu’une émotion négative à bannir ?
Cette course illimitée à l’occupation, souvent considérée comme indispensable au bonheur, est une des caractéristiques de notre société, notre rapport au temps est à la rentabilité, aucun moment ne doit être perdu.
Est-ce la peur du vide ? Est-ce notre propre ennui qui rend l’ennui de nos enfants inacceptable ?
Qu’y a-t-il dans l’ennui ?
A l’école, il peut être l’indicateur que les propositions d’activité sont inadaptées, trop faciles, trop difficiles, sans intérêt. Qui peut y remédier ? L’enseignant exclusivement qui en bon observateur saura remettre en question son travail et parviendra à l’adapter au mieux à ses élèves si différents soient-ils.
Toutefois dans l’ennui, il y a également le manque . Pour connaitre le désir, il faut avoir vécu le manque. C’est parce que je sais ce qui me manque que je sais ce que je veux. A trop vouloir anticiper les désirs des enfants, ne leur coupe-t-on pas toute autonomie ?
L’ennui serait ainsi un temps constructif qui permettrait à l’enfant en tête à tête avec lui-même de trouver par lui-même les moyens de pallier à l’ennui en s’interrogeant sur ce qu’il veut lui-même.
C’est donc bien un moment de créativité laissant libre cours à leur imaginaire que le coin repli offre aux élèves. Ce n’est pas sa seule fonction comme nous l’avons vu dans les descriptions qui ont été faites par les collègues déjà lancées. Mais un jour, pourrez-vous dire à un élève en désignant votre coin repli : « Et si tu allais t’ennuyer » ?