Evaluation ou sélection ?
Comme j’aime vous emmener sur des chemins où chacun flâne, furète, court, revient en arrière, bondit, contemple… Ce fut le cas Mardi dernier lorsque je vous interrogeais sur l’objectivité en évaluation. La difficile mission d’évaluer en maternelle apparue début des années 90 n’en finit pas d’interroger nos pratiques, combien d’années encore faudra-t-il pour concevoir des outils qui permettent à chacun de se sentir efficace dans sa fonction : enseignants, élèves, parents.
Vos réactions concernant ma question : « Evaluer, est-ce objectif ? » revenaient en grande majorité sur l’observation, comme si vous pressentiez que celle-ci était essentielle à l’évaluation mais qu’elle était sûrement sujette à plus forte subjectivité, d’où un besoin de cadre rassurant qui protège de soi-même. Et Marielle lançait sa bouée que je traduis ainsi : « J’aime observer mais ça me fait peur » et Elodie répondait avec ses grilles d’observation, ses critères d’observation et ses modalités d’observation, j'en suis admirative. Evidemment, cette réponse avait l’avantage de montrer qu’en connaissant son point d’observation, celui-ci évitait le flou qui peut entourer cette pratique et donc éviter les préjugés qui viennent brouiller le regard. Apprendre à fixer son attention serait alors un outil au service de l’équité.
La pratique des grilles se situe du côté de l’enseignant et la question qui me brûle les lèvres est de savoir si le rapport temps passé et qualité de l’apprentissage est en faveur de celles-ci. Sachant qu’il y a une multitude d’apprentissages, et que pour chacun, une grille d’observation est construite , qu’il faut du temps pour la réaliser, puis la remplir, puis la lire, puis l’analyser, est-ce tenable ? L’objectivité ne va-t-elle pas s’épuiser dans le surmenage ?
L’intérêt des élèves n’est-il pas d’avoir des enseignants qui soient bien dans leur vie personnelle pour être bien dans leur vie professionnelle ?
Cela ne veut pas dire que l’idée n’en vaut pas la peine et j'apprécie toujours tout ce qui est fait autour de celle-ci, je suis une inconditionnelle de l’observation, je l’expérimente partout ,déformation professionnelle inscrite à jamais dans mes yeux … J’interroge juste cette pratique parce que comme le disent Fanou et Magali43, le lien créé a sûrement plus d’efficacité dans la réussite scolaire que tous les systèmes d’évaluation (voilà un beau manque d’objectivité).
Donc l’observation STRUCTUREE fait partie de l’évaluation objective. Reste à en définir les priorités afin que la vie d’enseignant soit supportable et que les élèves en soient les bénéficiaires.
Un autre aspect du débat (un peu plus polémique) n’est pas ressorti de nos discussions mais quand l’évaluation n’est plus objective, elle devient de la sélection. Et c’est une question centrale parce que notre système éducatif fonctionne sur ce principe, nous avons-nous-mêmes mis des élèves en échec en abimant l’image d’eux-mêmes à travers le refus de l’erreur comme outil d’apprentissage. L’erreur, que dis-je la faute est pointée négativement plus ou moins fortement selon le jugement de valeur en vigueur. Nous sommes imprégnés de cette manière de penser et notre objectivité demeure inopérante dans bien des situations d’évaluation parce que nous ne parvenons pas à associer manquement à réussite. C’est pourtant le cheminement normal d’un être humain sain.
Et l’école dépense de l’énergie, du temps et beaucoup d’argent à réparer ce qu’elle a elle-même induit….C’est pourquoi il est important d’examiner honnêtement notre propre fonctionnement pour se demander si nous voulons faire de l’évaluation pour sélectionner nos élèves ou pour promouvoir leur développement. N’est-il pas utile de se positionner ? N’est-il pas utile de repenser sa façon de faire l’évaluation à la lumière de ce questionnement ? N’est-il pas utile de choisir l’évaluation positive ?