Les conflits: volet 6-cas pratique "Entre enseignants"

Publié le par isa

La série "Conflits" continue. L’article précédent a proposé un cas pratique de conflit avec un parent. Notre débat ne prétend pas donner de procédures « miracles » qui feraient que les agressions verbales ou les difficultés de communication disparaitraient. Il a pour fonction de libérer la parole et d’échanger sur vos pratiques. Comme vous avez pu le lire précédemment, chacun a sa façon d’agir et de réagir. Personne n’a la prétention de savoir exactement quelle va être la bonne attitude, cependant, la réflexion menée ouvre d’autres angles de vue. C’est un problème fréquent dans ce champ du relationnel, les personnes ont tendance à se figer dans un type de comportement soit par mimétisme soit par manque de confiance en soi et incapacité à ouvrir des voies nouvelles. L’intérêt des échanges est de porter le regard sur d’autres manières d’être et de faire, de lire que d’autres attitudes ont fonctionné et qu’il ne faut pas nécessairement changer du tout au tout.

Aujourd’hui, je vous propose d’échanger sur le conflit avec les collègues. Afin de pouvoir éclairer ceux qui se trouvent démunis ou dans le doute, j'ai inventé une situation afin que nous proposions des réponses. L’idée est de penser à la manière dont vous auriez réagi ou avez déjà réagi face à ce type de comportement. Evidemment, si la situation a déjà été vécue, il est important d’expliquer comment le conflit s'est résolu. A l'inverse si les relations se sont détériorées, il est également intéressant d’en parler et de voir si le recul vous a permis de comprendre. Dans tous les cas, je rappelle que ,sur ce blog, nous ne jugeons personne. C’est parce que chaque situation conflictuelle est unique qu’il est difficile de savoir de manière certaine ce qui va permettre de l’apaiser, cependant c’est en s'y préparant, en y ayant réfléchi qu’on pourra le mieux y répondre. C’est un mode de pensée et une force intérieure qui vont faciliter la communication. Toutes les expériences sont source d’informations et peuvent apporter du soutien.

Cas pratique N°2 :

Ava est une jeune enseignante. Elle a la classe de petite section dans l’école qui en compte 3. Ses deux collègues sont en milieu/fin de carrière. Le fonctionnement pédagogique de l’école s’inscrit dans des habitudes immuables qui mettent en avant une prépondérance pour les activités dites « scolaires » avec l’utilisation de fichiers et un net déclassement pour les activités sportives et artistiques. Un décloisonnement pris en charge par Ava est organisé tous les après-midis dans le seul but de décharger les deux classes (MS-GS) sans échange sur les attendus ni préparations ni bilans. En début d’année, Ava a interrogé ses collègues sur l’absence d’EPS dans leur classe et a évoqué le besoin des élèves ce qui a provoqué sarcasmes et refus « Ce n’est pas à 9 ans de la retraite que je vais enseigner autrement ». Au bout de quelques semaines,Ava a également voulu remettre en question le fonctionnement du décloisonnement qui ne répond à aucun projet d’équipe mais elle s'est heurtée à des réactions de mépris « L’après-midi avec les petits qui dorment, tu peux bien prendre nos élèves, au moins tu ne seras pas payée à ne rien faire ». Ava travaille seule et toutes ses tentatives de discussions se sont soldées par des paroles cinglantes.

Depuis les mois passent et Ava est marginalisée, les relations avec ses collègues sont froides teintées de piques blessantes liées au fait qu’elle enseigne en petite section. Ava s’interroge sur ce qu’elle doit faire, elle hésite à en parler à sa hiérarchie redoutant que cela se retourne contre elle.   

 

Que feriez-vous ?

 

Marcel Christ

Marcel Christ

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Publié dans conflit

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E
Bonjour,<br /> C'est la première fois que j'envoie un message. Je voulais juste vous faire part que la situation inverse est source de grande souffrance également. je suis une vieille instit dans une équipe de jeunes.Je fais de l'art, de l'EPS, de la littérature... avec grand plaisir et en étant persuadée que c'est indispensable. Mais je ne fais pas d'informatique, n'utilise pas tous les outils numériques et ça bien sûr c'est inadmissible pour mes jeunes collègues. Je suis bien dans ma classe mais pas du tout dans l'école. Je fais partie d'une génération qui a commencé à enseigner à 18 ans (!) et c'est vrai qu'il y a parfois une certaine lassitude , sans compter les problèmes physiques liés à l'âge (articulations, dos ...). Pensez à ça les jeunes, et n'oubliez pas que nous aussi on a été des enseignants débutants et enthousiastes et qu'on peut encore être utiles avec notre expérience !
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E
Je suis très touchée par ce commentaire.<br /> Merci de ton témoignage
I
Oui l'exemple met en scène une jeune enseignante esseulée parce que le blog s'est d'abord tourné vers eux à ses débuts et que je reste imprégnée de ce postulat, mais tu as tout à fait raison Eglantine, il y a d'autres situations qui révèlent d'autres fermetures d'esprit. J'ai peut être soulevé ,sans le vouloir, le voile sur un conflit générationnel.
A
Bonjour, j'ai connu cette situation et je peux vous dire que c'est très difficile à vivre ... Moi aussi j'ai opté pour le "Donner à voir" aux parents, aux élus avec des affichages, des compte-rendus d'activité, un cahier de vie qui circule toutes les semaines, des expos, des projets, participation aux rencontres USEP pour se rassurer auprès d'autres collègues, recherche de contact auprès d'autres personnels de l'école bienveillants (ATSEM, cantine ...). J'ai également fait partie d'un groupe d'accompagnement professionnel. J'étais atteinte dans mon estime et dans ma capacité à prendre du recul sur la situation vécue qui devenait plus qu'envahissante. <br /> Enfin, au bout de 4 années, une des 2 collègues est partie à la retraite et une collègue un peu plus ouverte est arrivée. Nous avons pu faire front et faire rentrer la collègue dans des pratiques plus modernes. Mais il ne faut pas se leurrer, on ne fait pas avancer un âne qui recule ! Aujourd'hui, quand nous avons une pratique à faire bouger, la discussion est ouverte et nous votons.
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I
Ton expérience démontre encore une fois que ce métier manque de lieux d'analyse des pratiques. Je crois que c'est un vrai cheval de bataille et je ne désespère pas de voir un jour ce projet exister pour tout le monde. La souffrance est réelle et lorsqu'on veut développer le bien être des élèves pour agir sur le bien grandir, il faut être soi-même dans le bien-être. Or on attend les ultimes situations pour aller voir l'assistante sociale (seul recours en cas de mal être), c'est souvent déjà trop tard.
A
Pour répondre à ta question Isa, cette expérience a laissé des traces qui seront, je pense, ineffaçables. En effet, j'ai pris conscience que j'ai dressé un mur entre la collègue qui m'avait coincée dans un coin de ma classe pour me "cracher" son venin dessus : "tu ne peux pas nous imposer tes points de vue", "tu vas créer des déséquilibres dans les vies de famille à vouloir révolutionner notre école", "tu ne respectes pas le rythme des enfants, cela va multplier les accidents dans la cour tu verras" et autres ... Je ne peux pas lui permettre de recommencer, je dois veiller sur moi (ce que j'ai appris dans le dispositif d'accompagnement), j'ai mis trop de temps à reconstruire mon estime.<br /> Je me serais bien passée de cette expérience. Aujourd'hui, la communication est réduite au stricte minimum.<br /> Je suis restée dans cette école parce que je n'ai pas réussi à obtenir un poste en maternelle (ça ne bouge pas beaucoup dans mon département très vaste) et que l'arrivée de la nouvelle collègue a été salvatrice.<br /> Oui, l'aide extérieure a vraiment porté ses fruits, je remercie encore les enseignantes porteuses du projet pour m'y avoir fait participer, en dépit du refus de mon IEN à me voir entrer dans le dispositif.
I
merci Alise de ton témoignage. Je constate qu'une aide extérieure ( groupe d'accompagnement) t'a aidée à rester dans cette école malgré ce que tu vivais. Est-ce que tu peux dire si cette expérience s'est révélée positive en définitive ou bien la perçois-tu comme une épreuve à ne pas revivre ? Effectivement, les personnes changent quand elles ressentent le besoin de changement, c'est donc dans cette direction qu'on est amené à réfléchir pour sortir de ces conflits.
S
Une situation à ce point sectaire je n'ai pas connu mais je sais que plus le nombre d'enseignants est restreint plus les conflits peuvent être lourds à vivre au quotidien.<br /> Dans ce cas, je pense que proposer des activités désertées par les enseignantes référentes est une opportunité plus qu'intéressante notamment pour susciter plaisir et motivation chez les élèves qui du coup auront un retour positif en classe. Ensuite, tenir les collègues au courant de ce qui est fait (cahier journal, planning, etc.) avec un affichage en salle des maîtres. Et pourquoi pas, une visibilité de ce décloisonnement en direction des parents? Photos, réalisations, expositions... Des réactions positives des élèves et des parents seront un premier pas pour donner à réfléchir... J'ai connu des regards et réflexions pour le moins circonspects quand je me suis mise aux ateliers autonomes puis aux sacs à album ou quand j'ai ôté les bancs de mon regroupement pour passer à l'ellipse... et puis à présent, sur 9 classes 6 ont des ateliers autonomes, bientôt une 7ème! Quant aux sacs à albums et à l'ellipse, une collègue vient d'emboîter le pas... Je n'ai jamais prétendu détenir LA solution, je ne mets pas en avant ma façon de faire mais à chaque fois que j'ai des questions, des demandes intéressées j'y réponds, j'explique. Si les remarques sont désobligeantes je ne réponds pas, j'accepte que l'autre ait un avis différent... j'attends... Parfois certains sont trop ancrés dans leurs certitudes et sont peu habitués à se remettre en question mais bon...<br /> Je crois que patience et longueur de temps font plus que le reste.<br /> Après, je dis ça mais... je n'ai jamais connu de vrai conflit entre enseignants, je parle de conflits de personnes... ouf!
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I
Tu me rappelles l'époque où lorsque je suis arrivée dans une nouvelle école et que la directrice en réunion des maitres m'avait demandé ce que je voulais comme fournitures et que j'avais répondu des petits cahiers brochés de 196 pages pour ma petite section ( c'était pour les cahiers de liaison, nous étions en 1982, autant dire qu'il y avait très peu d'enseignants qui utilisaient ce type d'outil ), les collègues m'avaient regardé de travers et étaient très circonspectes. Je n'avais pas cherché à les convaincre et j'avais fait mon travail comme j'avais envie de le faire. Des années plus tard, toute l'école avait adopté mes fameux cahiers, chacun l'ayant adapté à sa personnalité et à sa manière d'enseigner.
K
Oui oui il existe bel et bien cette situation . J ai vécu en tant q jeune enseignante la même situation dans une équipe constituée des mêmes personnes depuis 30 ans .<br /> Difficile de s exprimer .<br /> Mais avec le temps certaines collègues avaient envie de nouveautés et cela a pris du temps et les habitudes ont changé .<br /> C est la peur qui fait agir certaines enseignantes à rester bloquée, je pense .
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K
Je serai dans "donner à voir" comme Marielle .<br /> J avais comme ava été dans un décloisonnement qui ne me correspondait pas . J ai émis une autre idée de fonctionnement . Par ex le rattacher au projet d école ou de cycle pour impliquer toute l équipe .<br /> Il a fallu du temps , du retrait pour au final mettre en place ensemble des ateliers décloisonnés qui correspondent à tout le monde .<br /> On peut évoquer en premier lieu l intérêt des enfts pour débuter une discussion .
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I
On peut aussi tenter de proposer un projet commun du type expo de fin d'année, quitte à le faire seule au bout du compte
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I
Scénario catastrophe ! Je suis pour l'échange et je m'appuie souvent sur l'humour pour aborder des questions latentes. J'avoue ne jamais avoir rencontré pareille situation, cela me laisse perplexe ! Je pense aussi que je ferais eps et arts visuels en décloisonnement. Et ... patience et longueur de temps !!!
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I
Je suis tout à fait d'accord avec toi Isabelle, c'est un scénario déchirant et j'ai à peine forcé le trait car il existe des situations de ce genre. En parler c'est déjà ouvrir une fenêtre.
M
Bonjour, il me semble qu'à la place d'Ava, moi,je n'irai pas au conflit frontal (je n'aime pas ça), par contre je donnerai à voir pour peut-être susciter l'envie.<br /> En décloisonnement, je donnerais des traces à expliquer à la classe et aux copains<br /> je solliciterais les grands pour venir prendre des photos en sport, pour l'habillage aussi pour tenter de créer des échanges...Mais, est-ce possible? Il faut du temps (une année n'y suffirait pas), et de l'énergie...
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I
Je suis bien d'accord avec toi et blâmer des enseignants qui pensent bien faire ne me convient pas, il peut y avoir parfois de la lassitude et comme le dit Karine, de la peur du changement. Plutôt que de reconnaitre son besoin de formation ou de renouveau, on le nie, ça parait plus simple comme ça de rester dans ses habitudes même si elles sont sclérosantes et à force destructrices. En tout cas,ta collègue avait compris qu'en travaillant avec toi, elle aurait à y gagner elle aussi, ce que tu n'as pas perçu la première fois.
M
Où peut se situer l'envie, quand on pense avoir raison ?<br /> Il me semble que s'est à force d'être confronter à des situations différentes, que l'on peut s'ouvrir...C'est dans l'échange que l'on avance. <br /> Une petite histoire : <br /> Il y a maintenant 13 ans que je suis arrivée dans une école maternelle de 5 classes, 3 de mes collègues étais là depuis 30 ans !! et une est arrivée en même temps que moi... L'école était constituée de 2 classe de TPS-PS dont la mienne et celle de Mme J qui a fait toute sa carrière dans cette école (37 ans!) Quand je suis arrivée, elle me dit :" si tu veux, on travaille ensemble ."<br /> Forte de mes 3 ans d'expérience, je lui répondis "non" très poliment...Vous comprendrez bien qu'une aussi vieille instit ne pouvait pas me montrer la voie...<br /> <br /> En fait, un an après mon refus, elle me reproposa de travailler ensemble, ... Nous avons vraiment échangés et réfléchis ensemble, son expérience m'a beaucoup aidée, et nos projets étaient très chouette à mettre en place pour nos élèves...<br /> <br /> Quand les préjugés sont là, il faut un peu de temps, pour s'en défaire...<br /> Je ne dirai jamais que j'ai raison et l'autre tord. Parfois le jeune enseignant veux imposer, mais on peut aussi composer pour arriver à avancer ensemble... Ne dit-on pas : Seul, on va plus vite mais ensemble on va plus loin !<br /> Maintenant, c'est moi la plus ancienne, de l'école !!! Je n'ose imaginer comment me perçoivent les jeunes !!!<br /> Dans cette école nous avons fait le choix de faire des classes à niveaux identiques pour que les enseignants puissent travailler ensembles (2 classes de TPS-PS et 3 classes de MS-GS) .
I
Comment déconstruire une représentation de l'acte d'enseigner ? C'est en partie sur ce point qu'Ava se heurte, ses collègues pensent bien faire en accordant tout leur temps d'enseignement aux apprentissages "supérieurs". Tu proposes de susciter l'envie, c'est une belle démarche mais où peut se situer l'envie quand on pense qu'on a déjà raison ?
A
j'ai pas bien compris si le contenu du décloisonnement était totalement libre ou non. S'il est libre, Ava est libre de faire ce qu'elle veut à savoir faire ce qui semble manquer aux élèves de MS/GS : EPS et matières artistiques. S'il s'agit obligatoirement de matières plus scolaires libre à elle de ne pas travailler sur fiche. Concernant ses collègues, si leur comportement la blesse, peut-être pourrait-elle leur écrire, si elle ne peut pas leur parler. Je commencerais par m'excuser de les avoir blessées car tel n'était pas mon but en suggérant une autre manière de faire. J'expliquerai aussi que je souffre de cette situation et que j'aimerais qu'on puisse en parler pour trouver une solution pour que cela aille mieux au sein de l'équipe. La "balle" sera ensuite dans leur camps et leur réaction à cette main tendue déterminera la suite des événements.
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I
Disons que dans ma situation "inventée", le terme décloisonnement signifie juste que les élèves changent de classe pour décharger un effectif. Ce n'est pas un décloisonnement à proprement parler mais je sais pour l'avoir lu ou vu que dans des écoles, ce type d'organisation est un palliatif aux effectifs lourds et uniquement cela. Il est donc effectivement totalement libre de fait. Le problème que je soulève est d'ordre relationnel avec des divergences de points de vue pédagogique et j'interroge sur la manière de réagir dans une équipe d'école. J'ai hésité avec une situation où Ava n'aurait même pas eu la responsabilité des élèves des autres classes mais où elle aurait été en opposition avec des choix pédagogiques qui privent les enfants d'une partie de leur programme scolaire. Je te remercie Angeline de te pencher sur le cas d'Ava parce que je pense qu'elle n'est pas la seule à vivre ce type de situation conflictuelle, il s'agit d'un conflit latent qui empoisonne tout autant.