Témoignage n°10 Pratique innovante: Océane
Bonjour à tous,
WARNING : Je ne témoigne pas en tant qu’éducatrice Montessori confirmée mais en tant que jeune enseignante en recherche de « mieux », tout récemment lancée dans l’aventure Montessori :D
Voici le contexte : c’est ma première année d’enseignante et (a fortiori) ma première année en petite section, et en bonne timbrée, c’est cette année que j’ai choisi pour me lancer en « 100% » Montessori haha ! Donc on ne peut pas dire que j’ai « abandonné » les ateliers dirigés, je n’en ai tout simplement jamais fait !
J’ai donc commencé l’année sur les chapeaux de roue, porte-monnaie vidé, bille en tête, pour voir ce que ça donnerait en 100% autonomie. J’ai eu comme tout le monde des moments mieux que d’autres, des jours où on se dit « c’est vraiment ça qu’il fallait faire, ils sont tellement zens et autonomes, c’est dingue », d’autre où on se dit « je suis en train de faire n’importe quoi, c’est le bazar complet, je ne sais pas si mes élèves progressent ». Je pense que dans toutes les classes, Montessori ou non, l’alternance de ces deux phases est normale, surtout quand on est débutante comme moi.
Sauf qu’à partir de décembre, janvier peut-être, j’ai commencé à avoir plus de jours « bazar » que de jours « zen » (c’est une impression bien sûr… mais petit à petit j’ai eu le sentiment que non, je ne proposais pas exactement à mes élèves ce dont ils avaient besoin).
D’abord, je n’ai que des petites sections, donc aucune « émulation » offerte par les différences d’âge. En plus, c’est sûrement de ma faute mais très rapidement, ils connaissaient tous, quasiment tous les ateliers de la classe. Donc les présentations se sont raréifiées, je m’occupais plus de la discipline que du travail, en fait. Et eux… tournaient en rond. Et moi… aussi ! Peut-être moi encore plus qu’eux ! Je pense que je me suis aussi lassée des présentations, que c’est peut-être pour ça que je les évitais un peu. Certaines nouvelles activités sont restées là, sans que je ne les présente à aucun élève. La honte :-/
Je vous dis tout ça pour que vous compreniez que la situation n’était pas très bien maîtrisée et que ma classe ne ressemblait pas (de moins en moins ?) à une « classe Montessori ». C’est dans ce contexte que j’ai abordé un virage assez important, pour arrêter de tourner en rond et respirer :
Objectif respiration n°1 : sortir de la classe.
On tournait en rond entre ces 4 murs, avec toujours ces mêmes ateliers… Donc j’ai commencé (ça doit vous sembler évident) par ajouter un créneau de motricité tous les matins, qui nous permet d’avoir une très longue coupure car nous y allons juste après la récré. Nous faisons la relaxation et le regroupement en salle de motricité, donc il n’y a plus de regroupement en classe (l’ellipse est restée mais je pense l’enlever, elle ne nous sert quasiment à rien).
La motricité est souvent libre (manipulation de cerceaux, d’anneaux, de ballons, vélos…), et souvent à l'extérieur. Mais nous faisons aussi des jeux collectifs, de l’expression corporelle, mime, danse, et des parcours de motricité (qui ont un grand succès ! mais vous le savez sûrement mieux que moi).
Objectif respiration n°2 : proposer une nouvelle activité tous les jours.
Est-ce d’abord pour moi ou pour les enfants ? Je pense qu’on est tous ravis de ce nouveau fonctionnement : il y a désormais un atelier « d’exploration plastique » (peinture, empreintes, encre etc) mené par l’ATSEM. Il l’installe dès le matin et les enfants prennent des colliers pour y participer. Quand une place se libère, un autre enfant peut prendre sa place. (La seule règle est qu’on ne peut recommencer que quand tout le monde est déjà passé.) Les enfants se précipitent donc tous les matins à l’atelier, mais le temps qu’ils y passent diffère en fonction de l’activité. Certains enfants vont se passionner pour un atelier, on les laisse évidemment, toute la matinée s’il le faut ! On peut faire durer l’atelier plusieurs jours s’il continue d’intéresser les élèves, ou en proposer un nouveau dès le lendemain. Et on a beau dire, les enfants sont ravis d’emporter chez eux leurs jolies productions !
Objectif respiration n°3 : construire une progression de vocabulaire.
Ça aussi c’est sympa pour moi en termes de créativité (comme la motricité et les arts visuels), et bénéfique pour eux je pense. J’ai organisé un peu mon année pour qu’on aborde plusieurs thèmes de vocabulaire (2 par période), pour être sûre de leur donner pas mal de billes pour vivre et grandir dans leur famille, s’exprimer plus librement et s’affirmer… Je suis en ZEP avec beaucoup d’enfants qui ont un vocabulaire très (très) limité. Ces thèmes (Corps et santé / Journée / Couleurs / Émotions / Animaux / Vêtements / Aliments / Nature / Ville / Voyage) sont vraiment choisis en fonction de leur quotidien, de leurs besoins (ils n’ont donc pas vocation à changer tous les ans, c’est vraiment du vocabulaire pratique) (ok, le voyage ne fait malheureusement pas beaucoup partie de leur quotidien, mais c’est pour rêver un peu :) et pour pouvoir plus tard leur parler du reste du monde...). Ils ne sont pas destinés à orienter nos activités de motricité et d'art visuel (même si on peut s’en amuser parfois, ça consolide toujours un peu le vocabulaire) mais à orienter nos séances de langage (menées suivant lapédagogie de l’écoute de Pierre Péroz). Ça me motive pour m’installer (tous les jours) en séance de langage, et pour les préparer.
Objectif respiration n°4 : laisser un temps de manipulation libre… et de bavardage !
Ça c’est vraiment pour les enfants. Je trouve difficile de gérer le travail à plusieurs, mais j’ai l’impression qu’ils en ont besoin (certains plus que d’autres bien sûr). Quand l’atelier dirigé est fini (+ tous les après-midis en tous cas), la grande table sert à la manipulation libre (je choisis moi-même l’activité du jour) : pâte à modeler, perles, « plusplus », sable, eau pourquoi pas ? Une seule règle, on parle à voix basse, sinon on enlève le collier et on laisse la place à un autre. Cette règle bien ferme (régulièrement mise en application…) est suffisante pour qu’il règne un grand calme à cette table. Les enfants parlent quand même, et je sens que ça leur fait du bien de travailler ensemble.
Ces changements ont amené un regain d’intérêt pour les ateliers autonomes : les enfants sont toujours ravis de retrouver les petites activités qu’ils aiment, et moi, plus tranquille, je reprends en douceur mes présentations, et je passe du temps avec les enfants qui travaillent, en fonction de leurs besoins et demandes. Et puis ça me plaît bien pour l’instant, ça m’amuse plus que d’être tout le temps en observation / présentation / régulation.
MAIS
- Le risque est de passer trop de temps sur les activités nouvelles, et de laisser à l’abandon toute la partie en autonomie (c’est aussi pour ça que je laisse toujours l’atelier d’arts visuels à mon ATSEM)
- Je ne suis pas sûre que durant le temps de manipulation libre et de bavardage les enfants se construisent réellement… peut-être est-ce sympa à court terme, mais les enfants se dissipent-ils davantage ?
- Ces adaptations correspondent (pour l’instant) à ma pratique, au fait que je sois en PS, à ma personnalité etc, pas forcément à vos classes… je vous fais évidemment confiance pour le tri :)
- Je pense qu’en triple niveau le travail de la maîtresse est déjà bien différent, tout simplement parce que les présentations sont plus variées et que celles des grands sont intellectuellement plus « exigeantes", donc le besoin de nouveauté/créativité n’est pas forcément le même... (?)
Voilà ma petite (trop longue) réponse à la question d’Isa, j’espère que je ne serai pas la seule à répondre !! Merci à tous pour vos témoignages et merci à Isa pour ce blog passionnant !