Le questionnement de Catherine C à propos de l'évaluation positive
J'ai consulté rapidement (peut-être un peu trop!) le dossier évaluation. Merci pour toutes ces réflexions très enrichissantes.
Il me reste encore de nombreuses interrogations et une petite peur de lui donner trop d'importance. C'est que j'ai essayé d'éclaircir par les quelques réflexions que je transmets ci-dessous, mais qui ne sont peut-être pas très claires...
Il me reste des questionnements, que je vais exagérer un peu quand même :
- l'individualisation totale ne me satisfait pas. 1Ère raison : je ne sais pas le faire (ou pas trop). 2Ème raison : est-ce la meilleure voie pour aider à la réussite de chacun ? Bon, je partage l'idée que l'on doit partir de l'enfant, diversifier ses approches, ses exigences s'adapter... Mais pour moi, c'est un paradoxe avec la notion d'école qui se rapporte plutôt à la notion de groupe et de collectif : c'est un peu comme quand on fonctionne avec des soi-disant ateliers collectifs où en fait chacun fait son activité mais sans rapport avec les autres. La force de l'école ce n'est pas de faire du préceptorat, car elle n'en a pas les moyens, mais c'est de faire fonctionner le collectif : trouver comment il peut se mettre au service de chacun pour l'aider dans ses apprentissages, et donc, il s'agit de voir comment mettre les enfants ensemble pour aider aux synergies, et c'est ce « plus humain » que j'aimerais mettre au sein de ma classe. Mais là non plus, je ne sais pas très bien faire... Quelque part c'est en plus une prise de risque, car je vais déléguer aux enfants, et je vais peu le maîtriser (mais de toute façon, est-ce que je maîtrise vraiment tout quand j'ai bien individualisé...)
- place de l'observation : bien sûr que pour répondre aux besoins, il faut connaître ses élèves et les observer, mais est-on vraiment sûr que ce que l'on voit est le reflet des capacités de nos élèves. Je me souviens de celui pour lequel je pensais que c'était bon, parce que j'avais vu qu'il s'en sortait bien sur telle situation, et qui à ma grande surprise n'a pas répondu de la même façon la fois d'après (le fameux en cours d'acquisition) : il faut donc multiplier les mêmes observations plusieurs fois pour pouvoir lui proposer une situation la fois d'après ? En attendant, on fait quoi ? Ou inversement : celui dont la participation a été nulle dans l'activité et qui pourtant me ressort ce que j'en attendais à un moment complètement différé. Quelle valeur accorder alors à l'observation ?
- place de l'évaluation : quoiqu'on en dise et quelle que soit la manière, l'évaluation reste un stress : imaginons que tous les jours un inspecteur soit dans notre classe pour observer tous nos faits et gestes, même avec bienveillance, dans un but d'aide et de perfectionnement de notre pratique : je ne sais pas si je le supporterai. Alors, on ne le fait pas dans ce but là, mais l'observation permanente (qui est une sorte d'évaluation) de chacun leur met la pression. Bien sûr qu'il faut de l'évaluation, pour moi, pour m'indiquer ce que je dois proposer, pour les enfants, pour qu'ils sachent ce que l'on attend d'eux, pour les parents, pour qu'ils aient des repères par rapport à leurs enfants, mais pas tous les jours, pas trop souvent. Bien sûr que c'est important de réussir et d'en avoir conscience, ce n'est peut-être pas très correct de dire ça comme ça, mais on fait aussi parfois les choses juste pour les faire, pour voir, pour le plaisir, par obligation, parce qu'on s'ennuie... et je crois qu'on en a besoin aussi.
Après se pose la question du comment retranscrire et le fameux carnet de suivi. OK avec le principe de l'évaluation positive et tout et tout, pour l'implication des enfants, pour une lisibilité pour les parents... Mais, est-ce le seul moyen de faire prendre conscience de ses progrès et des attentes de l'école ? Je m'explique : est-ce qu'il y a d'autres situations où l'enfant peut prendre conscience qu'il apprend, qu'il progresse que dans le remplissage du carnet de suivi ? Par exemple, quand on fait les bilans collectifs qui permettent de comparer ce que l'on a fait personnellement et ce que l'autre a fait (je reviens sur mon idée de la force du collectif : pour savoir où l'on en est on a besoin de connaître ce que l'on doit atteindre, et voir ce que les autres ont fait permet de se créer des ressources, de voir des étapes intermédiaires, de trouver des manières de faire, de se situer...), quand on fait le bilan de la semaine (forcément on ne se rappelle pas de tout et c'est là où on voit ce qu'il reste...). D'autre part, selon ce que l'on peut voir dans différents carnets, on rentre parfois beaucoup dans les détails : enfiler son manteau, sauter à un pied, dire « bonjour. ».... Mais est-ce des indices qui vont nous permettre de repérer ceux qui ont des difficultés réelles (les fameux 25% qui nous échappent) ? Ce que je veux dire, et ce que j'exprime mal, c'est que j'ai peur qu'à force d'avoir trop d'items, on se noie dans les détails et qu'on n'arrive plus à dégager les essentiels qui permettent d'éviter que des enfants ne se perdent en route. En gros, est-ce que je suis capable de définir l'essentiel à observer pour éviter l'échec scolaire ?
Peut-être que de noter tout est une manière de se rassurer, pour nous qui vivons dans l'omniprésence de l'écrit, mais j'espère que les traces de ses réussites s'inscrivent directement et plus durablement dans l'élève lui-même, et pas seulement à travers un carnet.
Je voulais aussi rajouter qu'il y a pour moi une sorte d'hypocrisie : on dit que l'on parle des progrès de l'élève, de là où il en est, qu'on ne juge pas / à une norme... Bien sûr que si, on juge par rapport à une norme, un référentiel, un niveau à atteindre. On ne mettra pas dans le carnet de suivi : sait babiller parce qu'on n'imagine même pas qu'il n'ait pas ses compétences là d'un bébé de 6 mois, par contre on dira « utilise le « je » » parce qu'on considère qu'entre 3 et 4 ans, ça doit se mettre en place. Il y a donc beaucoup d'implicite, pour nous, pour les parents. Et l'on retombe dans le rapport à la norme...