Ma version du carnet de suivi pour une évaluation positive
Comme je vous l’annonçais dans le précédent article, je termine cette longue série sur l’évaluation positive en exposant ma version du carnet de suivi.
La qualité au travail se mesure dans l’écart entre ces deux affirmations : ce qu’on me demande et ce que ça me demande. Plus le fossé est large et plus le sentiment d’incompétence est grand.
Pour se sentir un bon professionnel et tirer satisfaction de son travail, il est important de savoir trouver le juste équilibre entre la mission et ce qu’elle impose.
Chaque personne a une idée pour lui de ce juste équilibre et ce n’est pas forcément l’idée que s’en font les autres.
Aujourd’hui, élaborer un carnet de suivi pour chaque élève de l’école est la tâche assignée aux enseignants de maternelle pour la prochaine rentrée (éventuellement la suivante).
La grande liberté pour construire cet outil représente une chance mais également un désert dans lequel se perdre.
Tout au long des débats que nous avons eus sur le sujet y compris après la sortie des documents d’accompagnement, j’ai senti que votre désir de bien faire était accolé au besoin de remplir (preuves de travail) dénonçant contradictoirement la charge considérable de travail.
L’évaluation positive est selon le document d’accompagnement :
- Une évaluation conduite avec bienveillance, qui souligne les petites réussites, les progrès, petits ou grands, les essais, qui participent de la motivation de l’enfant, en les lui signifiant, ainsi qu’à ses parents.
D’autre part :
- Pour apprécier les progrès des enfants, sans que le temps de l’évaluation n’empiète sur celui qui est consacré aux apprentissages, il est nécessaire d’envisager des pratiques pédagogiques favorisant l’observation directe, régulière dans des situations ordinaires variées….. Il est normal que les éléments significatifs (de progrès) ne concernent pas tous les enfants au même moment.
Cela signifie que l’enseignant note ce qu’il observe après avoir choisi ses critères tout en animant une activité d’apprentissage; finies les fiches d’évaluation qui prennent du temps chez les enseignants et parfois suscitent du découragement chez les élèves.
Et surtout :
- Le suivi des acquis ne nécessite pas de tout observer et de tout noter, tous les jours, pour chaque enfant, dans tous les domaines.
Heureusement que ce document le stipule car qui pourrait croire ,objectivement, que c’est possible.
Voilà le fossé entre ce qu’on me demande et ce que ça me demande. Il est impossible d’observer tous les élèves dans la même journée et encore moins dans plusieurs domaines ,à moins d’être dans un système de passation ce qu’on me demande de ne plus faire. Donc puisque je n’évalue qu’en observant et que je ne peux observer tous les enfants en même temps, je dois concentrer mon observation sur l’essentiel et être attentif aux faits notables.
Qu’est-ce qui est essentiel ? Qu’est-ce qui par son manque ou ses difficultés peut mettre en péril la réussite de mon élève ?
Tout est important et ce n’est pas moi qui dirais le contraire puisque je défends la théorie des Intelligences multiples et que je veux que chaque domaine soit à part égale dans la programmation de l’année. Cependant, je m’appuie aussi sur la recherche et que me dit-elle ? Il semble avéré que la maitrise du langage soit au cœur du débat sur la réussite scolaire. Mon choix prioritaire va donc faire une large place aux progrès dans ce domaine et mon attention va se porter sur les indicateurs fournis par Eduscol.
L’album langage ( cette année album des réussites en raison du travail sur les talents) va constituer mon premier outil d’observation, mais aussi d'autres situations (activités en petit groupe, petit groupe conversationnel...) et chaque avancée correspondant à un palier (établi en équipe) sera collée dans le carnet de suivi sous forme de bandelette par l'enfant à qui l'enseignant aura signifié son progrés.
Concernant les autres domaines, selon la période de l’année, des photos d’essais, de réussite viendront attester de l’activité travaillée et seront commentées par l’enfant (pas toujours) et par l’enseignant qui situe l’apprentissage en prenant appui sur les observables proposés.
Exemple pour cette année 2015-2016 : période 1 explorer le monde : une photo de l’enfant réalisant son nez à sentir + activités physiques : une photo de position de yoga, période 2 activités artistiques : le badge de l’activité choisie + photo en activité ( constructeur, décorateur ou régisseur) + activités physiques : photo de l’enfant mimant une posture d’une Nana de Niki de Saint Phalle ……
Comme la plupart d’entre vous, le carnet ( qui peut être un classeur) comportera des parties distinctives pour chaque domaine avec un repère coloré et la liste des attendus de fin d’école maternelle pour chacun.
Pour ce qui est du langage, si des difficultés/stagnations sont repérées, l’écrit de l’enseignant fera apparaître son engagement ( exemple : je propose d’aider X à passer du moi au moi je pour parler de lui en reformulant avec lui )
Que devient le cahier des habiletés ? C’est mon dilemme mais je pense que si j’étais encore en classe, je l’abandonnerais et certaines fiches retrouveraient leur place dans le cahier de liaison.
Le carnet de suivi est présenté aux familles à la fin de chaque période.
Voilà de manière synthétique ma vision , elle ne constitue pas une somme de travail insurmontable puisque je sais ce qu’on me demande et que je veux que ça corresponde à ce que je peux faire. Son but et mon but est d’ aider mon élève à être heureux en classe pour mieux travailler et réussir. Est-ce que cet outil me donne le sentiment d’être un bon professionnel ? Oui, parce que je sais qu’il n’est pas figé et qu’en fonction de son utilisation, il sera modifié et amélioré pour parfaire son efficacité, parce que je réponds à l'obligation légale, parce qu'il me reste du temps pour ma vie.
Merci pour ces longs débats toujours passionnants et enrichissants. Il y aurait certainement encore beaucoup de choses à dire à propos de ce concept d'évaluation positive.
Plus j'apprends plus je m'aperçois que je ne sais pas