Peut-on s’arrêter pour observer ?
Comment penser et être à la fois ?
Comment agir avec les élèves et se retirer pour prendre la distance nécessaire à toute observation ?
Est-on suffisamment habile pour être à l’intérieur et à l’extérieur en même temps ?
Est-ce ce qu’il faut comprendre à la lecture des documents d’accompagnement pour l’élaboration du carnet de suivi ?
« Il est nécessaire d’envisager des pratiques pédagogiques favorisant l’observation directe, régulière dans des situations ordinaires variées. L’enseignant est attentif aux questions que posent les enfants, aux comportements et initiatives qu’ils manifestent, à leurs productions, dans le groupe comme en relation duelle. »
L’enseignant doit relever le défi de l’observation.
Celle-ci ne peut se faire qu’en choisissant d’arrêter son mouvement naturel : donner des consignes, des explications, des conseils, des ordres, des injonctions, jouer le rôle principal de celui par qui tout passe, tout s’ordonne, tout prend forme, tout se confirme.
L’enseignant oscille entre présence et absence alors qu’il lui est difficile de s’abandonner au risque du lâcher-prise.
Pour autant, est-ce vraiment du lâcher-prise ? Ne s’agit-il pas au contraire d’être plus présent ?
Pour être dans une véritable présence avec celui qu’il observe, l’enseignant doit habiter le temps.
Pour ma part, j’ai longtemps pratiqué cette démarche et j’ai eu des freins à ce travail parce que la représentation de mon rôle était l’image de l’enseignante qui va de l’un à l’autre, qui occupe le devant de la scène et qui rassure par sa présence. Ce que je n’avais pas « compris » mais que je percevais et qui fut à l’origine de ma persévérance dans cette pratique peu reconnue à l’époque est que je me sentais plus présente. Et cette seule présence pouvait tout changer et d’ailleurs elle changeait tout.
Combien de fois ai-je constaté que suite à une observation ( à l’époque, il n’était pas question d’évaluation au sens du carnet de suivi, j’étais dans la volonté de rencontre avec mes élèves), l’enfant qui me posait souci se calmait ou s’ouvrait aux autres du simple fait de ce temps de regard sur lui . J’ai longtemps été dubitative face à cette énigme, m’interrogeant sur le sens que cela avait et faute de réponse je continuais, persuadée d’avoir là un outil puissant pour aider. Petit à petit, j’ai compris que mon intérêt pour l’enfant avait une répercussion indéniable sur lui parce que ma présence pure à sa personne lui donnait toute la valeur qu’il lui fallait pour prendre sa place dans le groupe et à l’école.
Il s’agit donc de qualité de présence dans le silence et l’immobilité, et cette capacité est en chacun de nous. Elle nait de notre volonté de rompre avec nos préjugés sur notre place dans la classe où notre omniprésence physique marquerait la preuve de notre efficacité, il n’en est rien, notre rapport vivant à l’autre est dans cette expérience impalpable où notre désir de le connaître, de le suivre, de l’aider nous force à nous arrêter pour que nos pensées aillent vers lui et le fassent exister. La présence est alors l’ouverture à l’autre pour l’accueillir dans sa singularité en lui reconnaissant ses failles mais aussi son potentiel, tout ce qui va permettre de l’accompagner dans son épanouissement. On ne prend peut-être pas suffisamment conscience de notre pouvoir dans l’intérêt qu’on porte à chaque élève. Et pourtant l’on sait que chacun se sent exister dans le regard de l’autre, c’est d’ailleurs tellement vrai que certains enfants font tout pour se sentir vivants quitte à provoquer la colère voire le rejet afin d'éviter l’indifférence qui les anéantirait. Avec eux, cette observation qui n’est plus réactive à leurs provocations mais qui est choisie, programmée, ciblée leur apporte ce qu’ils recherchent : le sentiment d’être digne d’intérêt. Le lien se noue, l’enseignant ouvre les yeux et découvre une personne, une personnalité, un être humain avec ses composantes multiples qui apporte une part de compréhension et une part d’interrogation. L’enfant ressent parfois sans le voir (certains se sentent observés, d’autres non et pourtant quelque chose opère) que l’adulte est là pour lui et que sa présence est déterminante. Après cela, la proximité est atteinte, il y a la base sur laquelle la relation s’élève.
Il faudrait donc redéfinir les contours de la place de l’enseignant dans la classe si l’observation prend enfin l’importance qu’il est temps de lui accorder.
A quoi reconnaît-on la qualité de présence ? L’attention à l’autre s’apprend-elle ? Comment tenir son attention quand tout bouge autour de soi ?
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