Le carnet de suivi et l'observation: carnet vierge ou carnet pré-rempli ?
Depuis le début de l'année scolaire, nous réfléchissons ensemble à l’observation et au carnet de suivi. Dernièrement, nous nous sommes questionnés sur les nécessaires choix à opérer parmi les compétences afin d’éviter un éparpillement et une impossibilité de renseigner le carnet de suivi.
Au cours des échanges, une nouvelle interrogation est apparue concernant la forme de l’outil.
Faut-il utiliser un carnet vierge ou un carnet pré-rempli ?
Ma position plaide en faveur d’un support qui commence avec une page blanche et qui s'étoffe au rythme des progrès. Il n’établit ni un ordre ni une norme, il parle de l’enfant, de son individualité face à ses apprentissages. Il valorise ce qui est acquis sans pointer ce qui ne l’est pas encore.
Depuis que ce blog existe, mon souci a toujours été de montrer combien la place des parents est déterminante dans la scolarité de leur enfant, que les enseignants ne peuvent faire abstraction de leur rôle. Il y a des élèves ET des parents , la relation qui s’établit dès le premier jour donne la base d’un engagement réciproque en faveur de l’enfant.
En tant que professionnel c’est à l’enseignant de mettre en œuvre ce rapprochement et de créer les meilleures conditions pour que la confiance opère. Celle-ci va permettre à l’enfant de se sentir sécurisé dans l’univers scolaire parce que ses parents vont lui faire sentir. En évoquant les besoins fondamentaux ,nous avons noté l’importance de la sécurité affective. Sans elle, l’élève ne peut réussir à poser son attention, à contrôler ses émotions et à développer le goût d’apprendre. Le carnet de suivi s’inscrit dans un cadre légal qui répond à l’obligation de rendre des comptes aux familles. Il est donc prioritairement un outil à destination des familles. Partant de cette nécéssité, la réflexion sur sa forme importe pour ce qu’il va donner à voir.
Les recherches montrent que le sentiment de pouvoir (capacité d’agir) se développe de meilleure façon chez l’enfant où l’entourage encourage, félicite. L’éducation bienveillante est progressivement entrée dans la sphère professionnelle et est maintenant inscrite dans les programmes « L'école maternelle est une école bienveillante, plus encore que les étapes ultérieures du parcours scolaire ».
La petite section est le lieu de tous les espoirs, de tous les potentiels et le regard porté sur l’enfant est lourd de promesses. Il apparaît essentiel ,dans ce contexte, de créer les conditions pour accompagner cet élan et mettre en avant les progrès tangibles. La demande institutionnelle de valorisation des parcours le rappelle à chacun et c’est dans ce cadre qu’un carnet vierge ,qui se remplit au fil de la vie scolaire, m’apparaît le mieux répondre à cette éducation bienveillante. L’intérêt est qu’il ne permet pas de juger du rythme des acquisitions et ne crée pas de l’inquiétude familiale. Face à un carnet pré-rempli qui liste les compétences souvent traduites en items multiples, les parents peuvent être tentés de n’y voir que les creux et seront moins enclins à encourager sincèrement leur enfant. D’autres vont vouloir accélérer les processus d’apprentissage et donner ainsi à l’enfant le sentiment d’un manque de confiance envers l’école mais également envers lui qui ne peut apprendre assez vite au sein de la classe. Ces réactions sont classiques dans un contexte où la réussite scolaire prend une dimension prédictive de réussite sociale , il est donc primordial de ne pas alimenter les angoisses parentales et éviter les conséquences néfastes sur le futur scolaire.
Ce point de vue ne cherche pas à masquer les difficultés, celles-ci ne concernent qu’un tout petit nombre et ne justifient pas que le plus grand nombre ait à imaginer en avoir. Les difficultés ou stagnations demandent à être annoncées en entretien dans un rapport de proximité où toutes les questions des parents pourront recevoir une réponse. J’ai pu lire également un argument en faveur du carnet pré-rempli qui avance le gain de temps à la fois dans la préparation et le remplissage faits par l'enseignant . Cependant, comme je l’indiquais dans le précédent article, la multiplicité des items ne se justifie pas et l’observation aura une plus grande efficacité si elle se limite à des compétences ciblées. Ainsi, le carnet de suivi ne se lit pas comme un catalogue mais bien comme un récit personnel où apparaît de manière chronologique les progrès au fil des mois. De cette manière, le travail pratique s’en trouve réduit et ne constitue plus un obstacle.
J’ai bien conscience de prendre un parti qui ne sera pas partagé par tous mais je choisis ce qui va dans le sens du lien famille-école et qui atteste que l’école maternelle dès la petite section est bien une école où l’enseignant prend le temps d’observer chaque élève afin de l’aider à hausser son propre niveau de réussite. Je comprends que l'autre choix (carnet pré-rempli) soit préféré par certains et je ne les critique pas. Je cherche à interroger chacun sur le bien-fondé de leur choix et sur ce qui les incite à le faire, quel est le premier intérêt ?
Vos réactions et commentaires sont essentiels et me permettent de poursuivre notre long travail de « défrichage » autour de l’observation.