Nos réponses face au jeu de bagarre : module 3 Agressivité

Publié le par isa

Le plus extraordinaire est que ces jeux de combat auraient des effets inverses à ce qu’on croyait. Ils n’apprennent pas aux enfants à devenir violents ; ils leur apprennent la merveilleuse alternative : la fiction 

Richard E.Tremblay Prévenir la violence dès la petite enfance Odile Jacob

Ce qu’on apprend au contact de l’autre, c’est le respect de l’autre 

Richard E.Tremblay Prévenir la violence dès la petite enfance Odile Jacob

 A travers les questions que nous avons soulevées dans le précédent article de notre série sur l’agressivité du petit enfant, nous avons exprimé les dilemmes qui nous traversent :

  1. Autoriser les jeux de bagarre, est-ce rendre acceptable la bagarre ?
  2. Autoriser les jeux de bagarre, est-ce s’isoler du reste des éducateurs qui ne l’entendent pas de cette façon ?

 

 Nous avons également tenté de comprendre cet élan naturel pour être en capacité de l’accepter :

  1. Qu’est-ce que ce besoin ?
  2. Existe-t-il une différence entre filles et garçons ?
  3. Existe-t-il une différence entre individus ?

 

D’autre part, il nous est apparu nécessaire de cerner précisément le jeu de bagarre :

  1. Libre ou réglementé ?
  2. Faut-il un temps et un espace ?
  3. En cas de réglementation, quelles activités proposer ?
  4. En cas de libre jeu, quels signes pour reconnaître plaisir ou conflit ?

Notre débat pointe l’importance de chercher à répondre à une problématique qui n’en finit pas d’interroger les adultes au fil du temps et à travers le monde.

 

En tant qu’éducateurs, nous cherchons à contrer l’ élan naturel de l’enfant et nous constatons que cette lutte est infinie ; non seulement, ceux dont le besoin de se bagarrer les dépasse parviennent très difficilement à se contrôler mais ceux qui en subissent les effets n’avancent pas non plus dans l’autoprotection. L’interdit de toute confrontation physique ne crée-t-il pas le désir exacerbé de trouver des moments, des lieux pour se livrer hors de tout contrôle à cette vague irraisonnée ? Les enfants qui ont intégré, parfois de manière rigide en raison de leur structure, l’acte défendu se retrouvent démunis face aux agressions, n’y-a-t-il pas pour eux un risque de voir un jour se rompre brutalement le mur qui semblait les protéger de leur propre agressivité ?

Face à cela, nous avons , parfois dans des circonstances qui nous l’imposent, la possibilité de changer d’angle de vue.

Et si une autre approche était possible ? Et si ce que nous interdisons à longueur de temps pouvait être ce qui permet d’en sortir ? Et si comme pour le besoin chez les petits de lancer des cailloux, nous donnons des ballons , nous les autorisions à se mesurer dans des jeux de bagarre afin de répondre à leur besoin ?

 

Cette acceptation passe par la réflexion et encore mieux par la réflexion collective. Comparer nos points de vue, répondre à nos interrogations, confronter l’avancée de nos idées permettent à chacun de faire un choix éclairé sur le sujet.

Je vous propose de partir des questions ci-dessus et d’apporter votre avis sur l’une ou l’autre en pensant à indiquer son numéro.

 

Ma réponse à la question 1 :

Autoriser les jeux de bagarre, est-ce rendre acceptable la bagarre ?

 Cette question sur l’acceptabilité de la bagarre soulève la confusion des mots.

Un éducateur interdit ,en premier lieu,aux enfants de se faire mal, il définit cet acte à travers les transgressions qu’il observe et ne nuance pas toujours. Bien souvent, le jeu de bagarre devient synonyme de faire mal, il n’est pas synonyme de plaisir malgré le mot Jeu qui porte en lui toute la joie de vivre.

Associer l'expression "jeu de bagarre" à l’acte « faire mal », c’est prendre le risque de troubler l’esprit des enfants. Jouer devient synonyme d’interdit. Il est donc important de mener avec les enfants un travail sur la capacité à distinguer jouer et se faire mal.

« Quand on joue, c’est agréable, si cela ne l’est plus, alors ce n’est plus du jeu ».

Un adulte peut autoriser le jeu de bagarre et interdire la bagarre dès lors qu’il définit ce qu’est le jeu : une fiction... cette alternative dont parle Richard E.Tremblay qui porte en elle tout le respect de l’autre.

Le judo, la lutte, la boxe ... autant de jeux où la confrontation physique est le défi ne rendent pas acceptables les rixes entre individus mais peuvent les aider à canaliser leur agressivité et à avoir un meilleur contrôle d'eux-mêmes. 

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Publié dans agressivité

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M
Chez moi j'essaie de peu intervenir dans les conflits entre mes enfants. Ils trouvent souvent une solution que je n'aurais pas envisagée. A l'école, j'ai plus de mal à leur laisser ce temps de négociation, de peur que ça dégénère et que ça fasse boule de neige. Les propos des uns et des autres sur ce blog me font réfléchir et j'espère intervenir moins systématiquement.<br /> A la maison, les batailles de polochon et de chatouilles sur le grand lit sont un grand bonheur pour les grands et les petits. Ces moments permettent aussi de débloquer une situation tendue. Chacun demande à l'autre de s'arrêter si ça fait mal ou si ça gêne. Je me dis que ça peut être un moment important à l'école aussi.<br /> 7. Je verrai bien un espace sous le préau de l'école avec des tapis pour jouer sans se faire mal, règle qui serait discutée en amont. Avec un nombre limité d'enfants, sans chaussures. Bon pour l'instant ce n'est que de la réflexion.
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K
Je laisse des jeux de bagarre . J ai tjs vu ces jeux à l Ecole ou à la maison . Ils me semblent nécessaire de ne pas trop intervenir aussi . La présence de l'adulte est la pour la sécurité , je suis d accord .
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I
Réponse 9: les signes qui indiquent le jeu s'observent dans les attitudes et la volonté de tirer plaisir. Ainsi, quand les enfants jouent, ils accompagnent leurs échanges de rire, de cris de joie, de mouvements retenus, de connivence dans les regards, de visages détendus. A l'inverse, quand le jeu dégénère ou que l'attaque est volontairement douloureuse, les cris se transforment en pleurs ou en rage, les visages sont fermés , parfois apeuré pour celui qui est la cible de l'attaque, les coups sont donnés avec force sans retenue et visent à faire mal. Dans le jeu, quand un enfant fait malencontreusement mal à l'autre, il va avoir le réflexe d'arrêter, il y aura peut-être recours à l'adulte ou négociation et c'est dans ce rapport à la règle que le respect des autres se construit. Ne me dites pas que je suis la seule à avoir laissé des bagarres (que j'estimais non violentes) aller au bout de leur volonté ? Dans ma pédagogie de l'observation, mes séances étaient l'occasion de laisser ses corps à corps s'exprimer, les enfants savaient que la règle numéro une était "Ne pas se faire mal" , à partir du moment où je trouvais qu'elle était respectée, je laissais les enfants se livrer à la première forme de négociation qui est celui du rapport de force chez les petits, exemple pour un cerceau que deux enfants voulaient, je les laissais s'accorder. Cela commençait presque toujours par l'objet tiré des deux côtés, qui allait céder ? ou bien comment allaient-ils faire ? parfois cela se transformait en jeu, tirer pour gagner, parfois cela finissait en négociation verbale, et parfois cela nécessitait mon intervention parce que la règle Ne pas faire mal avait été enfreinte. Mais je laissais ce temps de confrontation physique trouver une issue. Mes observations au fil des années sur ce temps de jeu libre m'ont à chaque fois démontré que le langage venait prendre le pas sur les agressions.Je pense que l'intervention systématique des adultes dans les jeux qui paraissent pouvoir devenir violents prive les enfants de ce pouvoir de négociation et de modération. Les adultes restent présents et garantissent la sécurité.
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C
Je m'interroge. En lisant les commentaires, les jeux de bagarre toucheraient plus les garçons. Si c'est le cas, pourquoi? Inné ou acquis? Si c'est inné, bon on ne modifiera pas les hormones. Si c'est acquis, à quel moment cela se joue-t-il? En quoi et comment réagit-on avec les filles pour qu'elles se bagarrent moins? Est-ce que les filles sont vraiment si tranquilles que ça (pour rester dans le stéréotype, "les filles font des histoires" et c'est vrai que ce n'est pas de la violence physique, mais elles arrivent quand même à se faire pleurer entre elles, souvent d'ailleurs vers la MS-GS, ce qu'il faut aussi gérer). Je rejoins Priskette sur le fait qu'il faut prendre en compte l'existence des jeux de bagarre , mais cette prise en compte passe-t-elle forcément par autoriser les jeux de bagarre? Peut-être faudrait-il voir de plus près dans les propositions de Tremblay pour voir ce qu'il met concrètement derrière l'idée d'autoriser les jeux de bagarre et surtout dans ce qu'il met autour pour les encadrer et les faire évoluer vers autre chose, car le but étant quand même qu'à terme ils disparaissent?
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I
Catherine, en dehors du livre de R.Tremblay, il n'y a pas beaucoup d'autres écrits explicitant ce qu'il entend par l'autorisation des jeux de bagarre, à noter qu'il utilise différents termes: jeux d'agression, jeux de combat, jeux de bataille que j'ai résumé en jeux de bagarre mais il est certain que le vocabulaire compte et que celui-ci peut venir créer une différenciation plus acceptable exemple, la bagarre est interdite, les jeux de bataille sont autorisés.<br /> Ce que tu évoques également au sujet des filles qui se font pleurer sans se faire mal physiquement est classé dans la catégorie des agressions indirectes, c'est une alternative à l'agression physique ex: convaincre les autres de ne pas jouer avec celui ou celle qu'on veut faire souffrir....
P
1) Autoriser les jeux de bagarre n'est pas la rendre acceptable mais prendre en compte et encadrer un phénomène très présent dans les écoles.<br /> 4) J'aimerais tant dire qu'il n'existe pas de différence entre filles et garçons mais mon quotidien de classe et les moments d'observation proposés par Isa me montrent bien que si.<br /> 6) Il me semble que le jeu de bagarre restera toujours libre et débutera toujours par des besoins spontanés de certains élèves. D'où l'enjeu de les réglementer et d'en faire un objet de travail plutôt que de le montrer du doigt. Ce dont je ne suis pas encore capable. J'attends la suite de nos réflexions.<br /> 7) Je suppose qu'il lui faut plusieurs temps et plusieurs espaces. J'imagine qu'un coin aménagé et arbitré dans la cour supprimerait les bagarres intempestives au milieu desquelles se retrouvent certains élèves qui n'avaient rien demandés pour laisser place à des jeux choisis par les élèves et investis par eux. J'imagine que des cycles de jeux d'opposition permettent de donner un temps de parole à toutes ces envies de bagarres qui sans cela se terminent par une punition ou la culpabilité d'avoir fait mal à quelqu'un.<br /> Bonne réflexion à tous.
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I
*certaine
I
7/ La cour est effectivement le lieu qui concentre le plus les difficultés de bagarre. Les enfants relâchent les tensions dues aux contraintes que la vie en classe contient. C'est donc le juste équilibre qu'il faut trouver: liberté de jouer-règles de vie. L'autorisation des jeux de bagarre est ,selon les personnes ( on le voit bien en vous lisant) un processus plus ou moins long qui pourrait passer par des jeux de défis physiques appris puis libres. Je pense par exemple au jeu où il faut tirer son adversaire pour le pousser à mettre un pied dans le rond matérialisé au sol et résister soi-même pour ne pas y mettre le pied. On peut tout à fait réaliser des ronds de différentes tailles pour s'adapter aux âges des enfants. Je suis certaines qu'il y a d'autres évolutions envisageables pour arriver à des jeux de bagarre cadrés mais autorisés.
S
la réponse : on joue aux Méchants et en même temps, c'est un besoin tellement fort qui s'exprime et revient à chaque récréation chez les mêmes garçons qu'il faut le prendre en considération. Peut-être en faisant verbaliser les règles de ces divers jeux, scénarios, peut-être en faisant verbaliser ces scénarios. Je sais que je propose soucent quand je vois ces jeux de bagarre de se transformer en pompiers car ces jeux me gênent mais cela m'intéresse vraiment de réagir autrement si vous avez des pistes.
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I
Interrogez vous pourquoi vous aimez les films/livres policiers ou d'horreur ou de guerre ou les thrillers .. bref des films ou livres où on retrouve des méchants ....à quoi ça correspond ?
S
Tout comme Edith, je suis perplexe. Ce débat me fait réfléchir, poser des questions. <br /> Il est vrai que je les observe d'un autre oeil ces petits garçons qyi se défient ou ont des jeux de bagarre. En les observantet en les questionnant, je note pkus précisement qu'ils sont ds l'imagonaire, dans "leur scénario . Mais cela n'empêche qu'ils ont parfois, souvent des gestes agressifs, souvent involontaies. Ils sont dq leur jeux. C'est là que moi, Enseignante, je dois intzrvenir et que je me pose des questions. Je demande aux enfants à quoi ils jouent.Puis je demande si on a le droit de faire mal quand on joue (.il s'agit la plupart du temps d'un enfant qyi s'est plaint d'une agression ). Souvent, ils parlent de Méchants qui font ceci ou cela ds le jeu. C'est alors que je depuis peu ,au lieu de dire: on n'a pas le droit de jouer à la bagarre car on se fait mal, je dis: on fait semblant, c'edt un jeu, on n'a pas le droit de faire mal sinon on sort du jeu. Je sens que je suis gênée par
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C
« Quand on joue, c’est agréable, si cela ne l’est plus, alors ce n’est plus du jeu ».<br /> ces débats me servent à y voir plus clair sur des sujets qui nous interrogent chaque jour et j'essaie d'en synthétiser des mots clés ou des phrases clés dont je me sers au quotidien
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I
Oui avec les petits c'est plus compliqué parce que justement c'est l'âge critique.... D'où l'importance d'être plus vigilants avec eux et de réfléchir à tout ce travail sur l'agressivité.
K
J ai aussi retenu cette phrase qui m a aidée à parler aux enfts de leurs jeux de bagarre .<br /> J en observe q les El de gs arrivaient à jouer à faire semblant d être des ... Et à jouer ainsi .<br /> Les difficultés arrivaient dans le jeu qd des ps essayaient d entrer dans ce jeu de bagarre .<br /> Donc je reste convaincue de réfléchir à l importance de ces jeux car les enfts doivent construire cette différence entre réel et imaginaire comme l a souligne Isa .<br /> <br /> J ai observé q les garçons étaient majoritaires mais pas forcément . Des filles participaient aussi , comme des super héroïnes surtout . <br /> <br /> Les jeux d opposition comme retourner la tortue ou les fourmis peuvent apprendre le contact sans blesser .<br /> D ailleurs le travail en danse "entrée en relation avec l'autre " montrent comment apprendre ce contact avec l'autre .
E
J'avais une réponse qui n'est pas passée....<br /> 3. Qu'est-ce que ce besoin?<br /> Je décrivais mon "malaise" face à cette nouvelle approche.<br /> Je pense très souvent aux contenus de tes articles, ou en observant mes élèves, je me dis:<br /> "mais comment je ferai si je devais amorcer un "rétropédalage" dans l'approche de cet "élan naturel".?...<br /> Si je suis passée à côté de quelque chose, cela remet en cause pas mal de points de vue sur la vie en collectivité, sur les gestes et mots qu'on porte au quotidien sur des attitudes qu'on jugerait mal.<br /> Et si nos interventions vont à l'encontre de ce qu'on cherche à faire...alors, là , c'est désarmant, affolant d'imaginer le "fiasco"<br /> Donc, oui je suis dérangée et perturbée par cette étude....c'est déjà un premier pas, mais pour ma part, anxiogène.<br /> Est-ce que des formations ou informations sont organisées sur ce thème dans les académies? Ou Isa est-elle en avance sur ce qui va poindre son nez dans quelques temps ?
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I
Je comprends ta réaction Edith, je ne pense pas qu'il faille tout remettre en question, et il n'y a pas de fiasco, l'éducation n'a pas une ligne droite que tout le monde doit emprunter, elle est faite de variété comme les personnalités des uns et des autres, dés lors que nous sommes dans le respect et la recherche de l'intérêt de l'enfant, c'est un bon chemin. Il ne s'agit pas non plus d'un jugement de valeur sur des pratiques qui te donnent satisfaction, il s'agit d'une proposition pour regarder un problème sous un autre angle. Les travaux de Tremblay ont été approuvés par la communauté internationale, il s'appuie sur des études approfondies et longues, il fait des constatations et il propose SON approche. Chacun reste libre de fonctionner avec ce qui le rend satisfait, mon but est d'informer et de réfléchir. Certes ,cela soulève des réticences et je le comprends très bien mais je pense que la vision qu'on se fait de l'autorisation du jeu de bagarre (par exemple) génère peut être une image de violence or c'est tout le contraire dans mon esprit. Pour ce qui est des formations académiques, je ne pense pas qu'il en soit question, c'est vraiment moi qui vous ai invités à vous pencher sur cette nouvelle approche. L'idée m'est venue en résonance avec le prix Nobel attribué à Tremblay, je me suis dit que la communauté disait quelque chose et qu'il fallait peut-être l'entendre.