apprendre à coopérer, mais comment ?
Après avoir disserté sur la compétence devenir autonome et faire preuve d’initiative, il est logique de prolonger avec la notion de coopération qui appartient au même module du programme DEVENIR ELEVE.
Coopérer , oui mais comment ?
Un élève de 3 ans est-il capable de contribuer à l’intérêt du groupe en accomplissant une tâche à la fois pour lui mais principalement pour les autres ?
L’égocentrisme observé chez les jeunes enfants peut-il faire obstacle à cette solidarité recherchée ?
Le fait d’être aidé donne-t-il plus l’envie d’aider ?
En quoi les habiletés sociales sont –elles favorables aux apprentissages ?
Pour coopérer, une des qualités à développer est la capacité à se mettre à la place des autres, c'est-à-dire avoir en soi l’empathie suffisante pour se reconnaitre dans les émotions de celui qui est pourtant différent de soi. Le petit élève de 3 ans est décrit comme un être auto-centré qui va apprendre à aller vers les autres pour devenir un être socialisé. Il possède pourtant déjà une spontanéité à l’entraide comme on peut l’observer par exemple lorsqu’un enfant pleure , certains de ses pairs vont aller vers lui avec une certaine compassion, des gestes réconfortants voire l’accompagner en direction de l’adulte. L’aide naturelle existe donc déjà chez les enfants plus jeunes qui peuvent intérioriser les émotions observées comme la peur communicative et ne parlons pas des pleurs communicatifs vécus lors des rentrées scolaires. Pour autant, la prise en compte de l’autre demeure une intention à amplifier au cours de ces premières années d’école.
Quel est l’ enjeu de cette nécessaire coopération ?
Il est d’abord et de manière contradictoire avec l’état d’esprit coopératif d’ordre individuel. L’être humain a besoin pour son développement personnel de construire l’estime de lui, et celle-ci ne peut se faire que dans les interactions avec les autres. Etre reconnu, valorisé, admiré, aimé par soi-même ne peut se passer de la reconnaissance, la valorisation, l’admiration et l’amour des autres. Le sentiment de confiance en soi nait dans le regard des autres. C’est pourquoi l’élève va devoir comprendre à la fois l’importance du groupe mais aussi son importance dans le groupe. L’estime de soi est la base qui permet l’investissement dans ses apprentissages, l’enfant a besoin d’être accepté tel qu’il est et non tel qu’il devrait être.
Mais la coopération a aussi un sens élargi et contribue à l’élaboration de valeurs morales qui visent la citoyenneté, le sens du partage, le respect des autres, la prévention de la violence, l’esprit de solidarité et la force de l’union.
Coopérer c’est apprendre la communication, la cohésion, la confiance, l’acceptation, l’engagement et c’est connaitre le plaisir de faire ensemble. Bien des qualités professionnelles reposent sur ses possibilités que l’école veille à faire émerger chez les élèves. Et c’est dés le plus jeune âge que l’éveil au bien commun doit être entrepris.
Comment mettre en place dans sa classe, dans son école l’esprit coopératif ?
J’aimerais rappeler que l’enseignant reste une force identificatoire importante et qu’il me parait contradictoire de vouloir développer le sens de l’entraide auprès de ses élèves si personnellement on n’a pas un comportement généreux, si on ne collabore pas au sein de son équipe et plus près encore avec son atsem.
Par ailleurs, le climat de la classe doit être propice aux échanges, à la communication , il est essentiel qu’il soit chaleureux, sécurisant et que chacun se sente en confiance, il est donc important dés les premiers jours d’école d’inciter les élèves à se rendre service ( habillage, déchaussage…), à aider les autres ( donner la main à une petite timide dans la cour, ranger avec le copain, apporter une chaise qui manque…), à assumer ses responsabilités ( prendre soin de son cahier de liaison, ranger son matériel, distribuer les marionnettes à doigt…). L’enseignant veille aussi à renforcer les relations interpersonnelles en félicitant les comportements qui vont dans ce sens (mot de remerciement, applaudissement du groupe envers la réussite d’un élève, encouragement du groupe face aux tentatives d’un élève …), il développe l’écoute mutuelle et l’attention à l’autre (distribution organisée des prises de parole, l’apprentissage du silence, observation de la manière dont untel fait ceci ou cela …).
Les premières organisations coopératives sont souvent liées aux jeux collectifs et se retrouvent dans les séances d’ EPS où les situations pédagogiques vont démontrer que le groupe ne peut gagner qu’ensemble et que chacun est responsable. Le groupe va devoir imaginer ensemble des stratégies qui recherchent l’efficacité. Exemple : former le plus rapidement possible son groupe en se donnant la main ( ronde) après avoir été dispersés dans la salle. Au fil des jeux, les élèves comprennent que les plus rapides doivent aider les plus lents en les prenant par la main pour les inciter à rejoindre le groupe. Ces stratégies sont favorisées par un questionnement mené collectivement à l’initiative de l’enseignant.
Le moment de regroupement est évidemment un lieu de coopération où vont être discutées des situations problèmes et où chacun va apprendre à reconnaitre le point de vue de l’autre.
Il y a également les situations collectives créatrices (fresque et autres supports…) qui donnent à chacun la possibilité de s’exprimer dans un ensemble où aucun n’est rejeté et où l’écriture artistique est individuelle mais aussi commune. Le plaisir de faire ensemble est soutenu.
Viennent ensuite les situations d’apprentissage de type atelier où les premiers groupements se font en binômes pour faciliter la communication, binômes qui peuvent être d’abord constitués d’un élève plus âgé ( échange avec les GS qui viennent montrer aux petits comment dessiner un bonhomme…) puis d’élèves du même âge mais avec recherche d’hétérogénéité de manière à ce que celui qui sait faire explique à celui qui rencontre des difficultés ( tutorat bénéfique dans la mesure où celui qui explique doit mettre en pensée son action ce qui est favorable à la stabilisation de ses acquis et où celui qui a besoin d’aide trouve un interlocuteur qui peut lui révéler une autre de manière de comprendre différente de celle de l’enseignant) et enfin binômes choisis par les élèves eux-mêmes pour une tâche de recherche ( exemple :travail en commun dans des expériences du domaine Découvrir le monde, le petit groupe fait ses observations et donne ses conclusions…). Les situations de groupes plus importants en collaboration se voient dans les moments de fabrication collective (de type culinaire par exemple) où chacun pourra avoir une tâche diversifiée dont l’importance sera égale et indispensable aux autres.
La présence permanente de l’enseignant observateur mais aussi régulateur donne aux élèves le cadre dont la pratique coopérative a besoin. Effectivement, il s’agit d’accompagner les élèves dans cette capacité à faire ensemble sans faire à la place de l’autre , ni faire seul sans tenir compte des autres, ni en se montrant récalcitrant au groupe, ni en se manifestant excluant vis-à-vis d’un élève du groupe. D’où l’importance pour lui de donner une tâche réalisable qui nécessite un coopération , un partage avec des consignes claires, de vérifier qu’elles sont comprises, de bien définir le rôle de chacun, de faire appel aux élèves pour trouver des solutions aux éventuels dysfonctionnements , de savoir répartir les élèves en ayant mesuré les forces et les compétences de chacun, ( quand il s’agit d’une tâche d’entraide), d’établir un climat propice au travail d’équipe, d’être le garant des règles.
Dans ce contexte, le groupe classe est un lieu contenant où les enfants en difficulté se sentent compris et acceptés, ils trouvent la base de sécurité qui va leur permettre de rectifier leur comportement (pour ceux dont la difficulté est là) et/ou d’oser exprimer leur potentialité à leur rythme.
La technique des petits pas pour ceux qui hésitent permet d’avancer en douceur vers une organisation coopérative qui devrait exister jusqu’au lycée selon moi. Mais ce n’est que moi, bien-sûr !!!