comment encourager sans juger lors de l'activité artistique ?
En cette période de dominante artistique, j’aimerais aborder un premier sujet qui a certainement été survolé à de maintes reprises dans d’autres articles ou bien dans des commentaires, mais sur lequel j’aimerais revenir, il s’agit de l’attitude de l’enseignant et de l’atsem face aux réalisations des élèves.
Je défends un point de vue qui n’est que le mien, cependant je considère qu’il est utile d’en débattre et de parler de nos considérations.
Pour ma part, je conçois plusieurs temps dans l’activité artistique. Le temps de l’observation de l’œuvre de référence ( artiste proposé) ou le temps du problème à résoudre ( geste, outil, matériaux …) ou l’annonce d’une situation d’autonomie, puis le temps de la consigne ( formulation de ce qui est attendu) sauf pour le travail autonome, ensuite le temps de l’exploration et de la réalisation , pour finir par le temps de la prise en considération de ce qui a été produit. Et c’est sur ce temps que j’aimerais m’arrêter.
Plusieurs cas de figure sont possibles, soit c’est l’élève qui présente son travail à l’adulte ou soit c’est l’adulte qui intime d’arrêter pour une raison de temps ( il faut ranger, c’est l’heure) pour une raison de préservation d’un travail qui lui semble abouti ( ça y est , tu as fini, c’est bon), pour une raison d’appréciation ( stop arrête, tu vas tout gâcher), soit pour une raison matérielle ( tu n’as plus de peinture ou regarde comme c’est sale…). Dans tous ces cas de figure, évidemment celui qui me convient le mieux est le premier qui sous-entend que l’élève aura eu le sentiment de s’être suffisamment exprimé, aura compris les attentes ( s’il y en a), aura conquis son autonomie d’action mais aussi de pensée donc de création.
Viennent ensuite les jugements ( c’est beau, c’est moche, c’est plus joli, ce n’est pas comme ça, tu aurais pu…, regarde comment fait L, qu’est-ce que tu es cochon, mais qu’est-ce que c’est que ça, tu as mis trop du noir, mais Mr l’artiste ne faisait pas comme ça ….). Comment juger un acte de création ? Comment risquer de décourager un élan intime avec des mots qui vont venir ternir l’enthousiasme du petit qui crée ? Comment encourager sans juger alors ?
Il est important d’envisager l’éveil artistique de manière différente des autres apprentissages, il me semble qu’il faut le regarder comme un jeu dont l’enfant a absolument besoin. C’est pourquoi le petit doit pouvoir dessiner, peindre chaque jour. Cette stimulation est ce qui va permettre son développement. C’est une part importante de l’enfance qui demande à être considérée afin que l’enfant sente que ce qu’il fait à une place valable.
Mais quelle attitude avoir ?
En tant qu’enseignant, nous avons une idée de notre rôle qui nous enjoint d’être le sachant qui a en charge l’apprenant et nous pensons que notre place est de donner des appréciations sur tout ce que fait l’élève. Il est essentiel de reconsidérer ce positionnement notamment dans le domaine artistique. Je pense que notre devoir est de mettre en place des situations qui vont favoriser l’épanouissement et l’élargissement intellectuel des élèves, ces situations auront été pensées de manière à ce que notre intervention durant leur action soit minime afin de laisser place à l’observation pour réajuster (pour la prochaine situation) ou pour encourager ( tu veux recommencer ?), enfin surtout pour être au service des élèves.
J’ai toujours pensé que l’expression artistique était au fond de chacun de nous dans une fragilité d’âme parce qu’un jugement même positif peut troubler ce lent processus d’expression de soi ( si c’est beau , alors demain il faudra que cela le soit encore … ou bien la maitresse a dit à untel que c’était beau et moi rien…).
Alors il faut encourager (je le répète souvent) mais sans juger, c’est difficile !
Choisir ses mots ( pfffffffffffffff, c’est compliqué d’être enseignant) est une nécessité.
En dehors de la consigne ( respectée ou pas, ça c’est facile) , l’enseignant doit plutôt s’intéresser à ce que l’élève pense de son travail ( Est-ce que ça te plait ? Est ce que tu penses que tu as fini ? Est-ce que tu veux recommencer ? Est-ce que tu aimes ce que fait Mr l’artiste ? Est-ce qu’il te donne envie de peindre ? Qu’est-ce que tu sais faire maintenant ?…)
Je sais que ma vision peut remettre en cause certaines paroles que nous avons TOUS dit à un moment ou à un autre de notre carrière , moi-même forte de ces convictions, je me suis extasiée devant des réalisations qui comblaient mon égo d’enseignante. Ce n’est pas tant la formulation mais plutôt la répétition qui engendre peu à peu le verrouillage de l’expression libre.
N’oublions jamais que nos paroles ont des effets non seulement sur celui à qui elles s’adressent mais également sur tous les autres.
Il serait bon également d’en discuter avec les atsem qui ont souvent la charge de l’atelier peinture et qui avec de bonnes intentions veulent influencer les « résultats ». Plus que jamais, la position d’observateur est à adopter en laissant de côté son goût personnel et ses images idéalisées.
Le travail avec les artistes tel que je vous le propose et tel que je l’ai présenté est d’abord et avant tout une source d’inspiration et un moteur émotionnel. Il ne sera jamais question de reproduire à l’identique une œuvre mais bien au contraire d’en inventer une nouvelle avec ce que l’élève est et doit rester. Ce travail l’aide dans l’affirmation et le développement de son potentiel, nous n’attendons pas qu’il ressemble à ses petits camarades mais bien qu’il se distingue de chacun d’entre eux, qu’il se sente exister.
Je défends un point de vue qui n’est que le mien…