demande d'aide par Sophie (pas si) sage et épuisée: la salle des maitres
Sophie (pas si) sage
Hier (mardi 25 mars), j’ai vécu une journée éprouvante qui me déstabilise assez pour vous en parler.
Autant, la semaine dernière, j’étais contente et satisfaite de la reconnaissance de mon inspecteur suite à mon inspection mardi 18 mars. Il m’a même remis mon rapport en main propre le jeudi (de façon « exceptionnelle ») en m’annonçant qu’il me mettrait la note la plus haute correspondant à mon échelon. Et de plus, il a incité ma directrice à accepter l’expérimentation d’une classe à trois niveaux dès la rentrée prochaine et ceux sur 3 ans. Donc que des choses positives qui m’ont « regonflé à bloc ».
Oui mais voilà, je devais accueillir un nouvel élève lundi (« juste pour la demi-journée car la journée, ça fera de trop pour une 1ere journée » dixit la mère), mais il n’est pas venu.
Mardi, la mère me l’emmène et m’annonce qu’il restera à la cantine. Il rentre dans la classe, découvre d’emblée le coin musique, se sert et tape sur le xylophone. La mère lui demande de faire doucement et de ranger. Moi je lui explique qu’il a le droit de prendre le matériel de la classe et je lui explique le fonctionnement très rapidement le fonctionnement « libre » dans la classe. Ensuite, elle part.
Mon nouvel élève vaque dans ma classe de découverte en découverte. Ne range pas quand il sort du matériel. Et ressemble à tous les enfants dans un magasin de jouets à l’approche de Noël, ce qui est normal. Il a tendance à prendre le matériel dans la main des autres. J’interviens de ci de là pour lui faire comprendre qu’il faut ranger (et je l’invite à ranger) et qu’on ne doit pas prendre le jeu d’un copain. Ça ne se passe pas trop mal. A. demande à aller aux toilettes : il dit « caca » en continue et attrape la main de mon atsem pour la tirer vers la porte de la sortie. Aussi au fur et à mesure de la matinée, je découvre du matériel cassé. Bon je me contente de les jeter et de remettre à neuf les plateaux endommagés.
L’heure du rangement arrive (signal sonore déclenché) et tous mes élèves s’affairent comme d’habitude. Je demande à A. de faire comme ses camarades. Et j’ai les 1ères réticences. Mais ça j’ai l’habitude, je l’accompagne par la main. Et là, au passage, il me balance ma tour rose (Arggg, 1er matériel acheté une fortune !!!) mais je ne m’énerve pas.
Il finit par ranger ce que je lui demande mais ne veut pas aller sur les bancs, il se dirige vers la porte de sortie. Je lui prends ses mains sans forcer, me baisse pour lui parler et là, il bouge sa tête dans tous les sens, balance son corps de droite à gauche, pousse des cris, et fuit mon regard. Je dis quelques paroles bienveillantes mais à ce moment, un adulte rentre dans ma classe, je réponds à ses questions toujours en tenant mon petit A par les mains qui en profite pour grimper sur le banc en criant des sons. L’adulte lui demande d’arrêter d’une voix très forte. A. a l’air surpris et se calme. Tout le monde va mettre les manteaux et on sort dans la cour.
Je suis de service. Il y a beaucoup d’enfants qui se plaignent … Ah les jours de pluie !!! Je m’interroge sur mon petit A., le cherche du regard et je le vois en train d’ouvrir une porte. Je vais vite le voir pour lui expliquer que c’est interdit. Il ne m’écoute pas et veut fuir. Je le retiens par les mains et me baisse pour lui parler. Il fait la même chose que tout à l’heure dans la classe. Quand il se calme (très vite), je lui demande s’il a fini et il me répond que oui. Je tente de nouveau de lui parler. Mais il me donne l’impression de « partir dans sa bulle ».
La récré, je l’ai donc passé à lui courir après pour l’empêcher d’ouvrir toutes les portes. Mince, je ne savais pas qu’il y en avait autant !!!! Et à consoler les enfants qu’il a frappé sans raison.
A la fin de la récré, je parle à la directrice de mes appréhensions au pas de la porte donnant sur la cour. Les enfants sont au coin regroupement comme d’habitude à attendre que je les rejoigne. On observe A et on le voit taper une fille à côté de lui sans raison. Ma directrice vient alors lui parler dans ma classe en se mettant à sa hauteur et là, A. lui met une gifle et lui balance ses lunettes. Elle le gronde.
L’inspecteur est dans la classe d’à côté pour une inspection donc elle me dit qu’après son départ, on va appeler la mère pour en savoir un peu plus. Moi, je lui dis que je souhaiterai appeler son ancienne école car je ressens que c’est plus qu‘un problème de comportement.
Au téléphone, la mère nous dit que l’école ne lui a rien signalé à propos de son fils. Que tout va bien. Bon elle finit par « lâcher » qu’il a vu une psychologue 2 ou 3 fois, mais qu’elle lui a dit que tout allait bien et qu’il n’avait plus besoin de suivi.
La directrice de l’ancienne école, étant dans sa classe, nous rappellera.
Sinon, ma directrice me dit que l’inspecteur pense que c’est juste parce qu’il est déboussolé par son changement d’école. Moi, j’insiste sur mon ressenti.
Je retourne dans ma classe et j’enlève pleins de plateaux sensoriels. Je range aussi ma tour Rose. Je choisis un plateau de travail avec A., bon j’induits fortement son choix sur un plateau de transvasement avec pince et je l’installe à côté de moi. Je l’observe tout en m’occupant d’un autre enfant sur une autre activité. Je constate que A. arrive à se concentrer, certes pour un court temps mais il se concentre. Ensuite, il s’agite. Je l’incite à recommencer. Il s’exécute. Va chercher les boules de cotillon qu’il perd (ou qu’il lance) en s’affalant au sol. Puis retourne s’asseoir pour se servir de la pince. Raconte des choses mais je ne comprends pas tout. Je le laisse faire et je m’occupe des élèves que j’appelle un par un, le reprenant en le touchant parfois avec ma main. Dès que je sens qu’il en a marre, je lui propose de ranger. Je sens « monter » une crise alors j’insiste sur le fait qu’il va pouvoir choisir autre chose. Il me suit pour le ranger et repart avec un nouveau plateau à côté de moi. Ces gestes sont aussi concentrés en transvasant des grosses graines d’un pot à l’autre à la cuillère.
La fin de matinée se passe jusqu’au signal du rangement. Faut de nouveau le maitriser. Mon atsem se fâche et il pleure. On fait comme si on ne l’entendait pas car on est épuisé toutes les 2. A. finit par se calmer tout seul mais il fait la tête. Je parle aux autres enfants de la situation, que j’ai enlevé du matériel le temps que A. s’habitue à la classe … mais que je leur remettrai et que pour l’instant il avait besoin de nous.
J’assois A près de moi. Le silence est là, les enfants attendent l’histoire. Une fille me dit le titre « Voilà la pluie !». Je suis contente, mais A se met à pousser des cris, de plus en plus fort. Je le touche avec ma main tout en continuant à parler à mes élèves. Je sens que le contact l’apaise. Je lui caresse le dos. Il s’agrippe à moi et pose sa tête sur mes jambes et finit par se taire, y’a quand même ses bras qui s’agitent de temps à autre.
L’heure de la cantine arrive, mon atsem est inquiète et redoute le dortoir. Je lui conseille de ne pas crier dessus, d’essayer de l’occuper au maximum et aussi de privilégier le contact physique.
Je vais voir ma directrice pour savoir si on l’a rappelé. Et elle m’annonce qu’il y a une RE qui a eu lieu le 16 janvier à l’inspection et que A a été accueillie seulement en matinée. L’autre directrice va lui faxer les documents. Nous on a fait le nécessaire en urgence : la psy vient me voir dans ma classe l’après-midi, une RE va être organisée le 4 avril (après une RE déjà programmé).
Je suis exténuée par cette demi-journée. Et je vois que mon ressenti (mon 6e sens comme je l’appelle) s’est avéré exact. Et je ne peux m’empêcher d’en vouloir à la mère pour avoir dissimilé les faits.
J’ai déjà accueilli des enfants « différents » dans ma classe, parfois avec AVS (une année j’avais 2 AVS dans la même année pour 2 enfants). Et pour moi cet accueil se prépare …
De retour à l’école l’après-midi (oui je mange à la maison et cette coupure me permet de tenir !), je vais aux nouvelles : A. a failli blessé un enfant avec son couteau à la cantine, il s’est enfui du réfectoire et a fait courir mon atsem et la directrice mais il s’est endormi assez facilement au dortoir.
Au lever de sieste, la psy vient me voir et je lui dresse un tableau de la matinée.
Ensuite tous les enfants nous rejoignent dans la classe. A. se montre comme un enfant lambda parmi les autres. Il joue tranquillement avec les voitures au côté d’un autre enfant. Ils interagissent ensemble de temps à autre. Puis, il construit une tour, la brandit sur les camarades proche de lui, leur parle. Rien d’alarmant !
La psy s’en va et me dit qu’elle reviendra peut-être à 16h30 car elle doit déjà voir une autre maman.
C’est l’heure de ranger et mon petit A se « transforme » mais je parviens à le maitriser rapidement malgré les cris. Je l’emmène dans la cour et le confie à la maitresse de service lui demandant de veiller sur lui afin qu’il ne sa sauve pas.
Je vais dans la classe de ma directrice pour savoir si elle a reçu le papier. Toujours rien. Elle me reprécise que vendredi je n’emmènerais pas A en sortie en car à la Ménagerie du Jardin des plantes et qu’elle l’a dit à la mère au téléphone (oui parce qu’elle l’a rappelé suite à l’appel de la directrice de son ancienne école).
Fin de la récré, je récupère mes élèves.
Tout le monde s ‘assoit sur les bancs. Je mets A près de moi, il pousse des cris tout en observant les affichages et se met à compter fort : 1,2, 3, 4, 5, 6 et des sons incompréhensifs (je me dis juste qu’il connaît la comptine numérique au moins jusqu’à 6 !). Je commence à chanter les comptines de la classe pour distraire les enfants tout en essayant de le maitriser car je sens qu’il veut partir. Petite partie de « catch ». Il finit par réussir à se lever, je le rattrape et le tiens par les 2 mains. Il monte sur le banc tout en criant et s’agitant. Il saute sur le banc. Je tente de le maitriser du mieux que je peux.
Mais, il y a la psy qui assiste à la scène. Elle est finalement revenue dans la classe. Elle me confirme que ce n’est pas gérable au sein du groupe classe. Elle est aussi impressionnée par la « transformation ». Elle a observé un enfant calme en début d’après-midi et là, elle voit un enfant difficilement maitrisable.
Je réussis à le faire descendre du banc et je m’installe sur une table tout en le maintenant. Les parents défilent pour venir chercher leur enfant. Un parent m’interpelle au sujet de sa fille pour avoir des explications. Là, je suis en train de maintenir le petit A pour éviter qu’il ne s’agite davantage. Je lui explique rapidement que je viens d’accueillir un nouvel enfant dans la classe et que je suis absolument dans l’incapacité de lui répondre et je lui propose de s’entretenir avec lui lors d’un prochain rendez-vous.
La mère de A. met du temps à venir. Je ne sens plus mes bras …
Elle finit par arriver et elle le gronde dans sa langue. Il se calme et je le lâche.
Elle s’excuse auprès de nous. Je lui parle mais sans rentrer dans les détails tout de suite car je suis épuisée . Un 1er échange s’engage entre nous, elle, moi et la psy. J’appelle ma directrice qui se joint alors à nous.
J’en retiens que c’est une femme en grande difficulté sociale, elle vivait auparavant dans un hôtel social (dans une ville du 93 avant de venir dans notre ville, une autre ville du 93). Le logement lui a été donné grâce à une assistante sociale. Le papa les a quitté quand A avait 1 an. Il ne le voit pas vraiment. Elle travaille loin de l’école (fait des ménages dans un autre département en Ile de France/92) et est toute seule. Elle a l’air d’avoir vécu beaucoup de « choses » et ça ne se passe forcément bien avec sa famille.
Je retiens aussi que A n’allait avant que le matin à l’école et ce juste 2 fois par semaine. Les autres jours, il allait dans la famille, loin en Ile de France (91).
Elle ne peut pas le laisser uniquement le matin car elle travaille. A ne va pas au centre le mercredi car elle a sa journée.
Elle nous a supplié (à la limite des pleurs) de laisser une chance à A. , a affirmé que son comportement n’était dû qu’au fait qu’il ne parlait pas bien encore. Euh ! certes A ne fait pas de phrases mais il est très compréhensible (quand il ne fait pas de crise !).
Pour l’instant, ma directrice a dit à la mère qu’on le prenait jeudi et qu’on aviserait après. Elle lui a rappelé que l’école maternelle n’était pas obligatoire et qu’on allait sûrement appliquer les mêmes conditions qui lui ont été notifié dans son ancienne école.
Elle lui a aussi proposé soit d’accompagner son fils en sortie vendredi matin soit de le garder. La mère a choisi de l’accompagner pour qu’il s’habitue aux autres enfants (« Oh madame, vous ne travaillez pas ce jour ? » a retentit fortement dans mon esprit).
En parallèle, je gérais au téléphone mes enfants car je n’ai pas pu aller chercher mon deuzans et j’ai donc charger mon ainée de le faire (heureusement qu’elle finissait tôt ce jour !).
De retour chez moi, je me suis sentie « vidée » … Limite j’avais envie de pleurer pour évacuer toute cette tension, mais je me suis retenue de toute mes forces devant mes enfants. J’ai tout fait pour ne pas perdre la face devant mon mari et me décomposer.
Oui, je sais que ce n’est que le 1er jour !
Il s’inquiète de savoir si ça ne va pas affecter mon comportement à la maison. Il sait que ce n’est pas la 1ere fois que j’ai des enfants « difficiles » et que je sois seule à gérer ! Je l’ai rassuré du mieux que je peux, mais au fond de moi, je ne suis pas rassurée.
Comment ça va se passer jeudi ???????????