écrire les récits des élèves
Que pourrais-je dire que je n’aurais pas encore dit au sujet du projet « Ecriture des récits » ?
J’ai relu vos commentaires d’article en article et j’ai constaté une régularité dans le questionnement « Qu’est-ce que je peux écrire ? Et s’il y a des erreurs de syntaxe ? Et les défauts de prononciation ? ».
Retranscrire un oral est un exercice difficile.
Préalablement, il est essentiel d’avoir en tête qu’il s’agit bien d’oral et non d’écrit.
La confusion vient du fait qu’on annonce « Nous allons écrire un livre », certes ce but est le moyen au service de l’objectif prioritaire qui est le langage oral. Ce projet est un élément moteur à la construction du langage, et en arrière plan à l’approche du langage d’évocation.
Il y aura un long chemin pour les petits élèves avant qu’ils soient capables de parler comme dans les livres, il est donc inutile et illusoire de vouloir des phrases construites sous la forme de l’écrit.
Cette clarification est importante parce que le souci du bien écrit est une récurrence et une résistance dans l’esprit d’un enseignant. Le « formatage » ou déformation professionnelle empêche de pouvoir écrire une phrase qui ne serait pas correcte du point de vue de la rédaction. Il est pourtant indispensable de favoriser l’oral et de ne pas brimer cette expression en exigeant une formulation qu’un petit de 3-4 ans ne peut utiliser spontanément.
Gardez donc à l’esprit que vous écrivez des paroles, tel un texte de théâtre.
Le livre n’est donc pas un livre au sens noble du terme mais plutôt un recueil de récits oraux, il a une fonction d’incitateur, il est l’objet fédérateur et devient le but d’une entreprise collective au service du souvenir.
Cependant, il doit être lisible et c’est toute la subtilité que l’enseignant doit déployer dans sa retranscription. C’est pourquoi je recommande de ne pas reprendre les défauts de prononciation ou de grammaire, un tateau devient un gâteau, moi i joue avec lui devient moi je joue avec lui, le gamasin devient le magasin, il a prendu devient il a pris c'est-à-dire que l’intention est préservée, le sens également, la forme le plus possible dans les limites de la lisibilité. L’enseignant va rester au plus près de ce qu’a dit l’élève tout en corrigeant les petits détails qui rendraient le récit illisible.
Je rappelle d’ailleurs que l’enseignant n’arrête pas l’élève dans son récit pour le corriger oralement, il le laisse dire, il note avec ses propres corrections, il peut éventuellement pointer les grosses erreurs dans la marge de son écrit pour y revenir à un autre moment avec l’élève. Le moment du récit est un temps où la parole est considérée comme précieuse et ne peut en aucun cas être rompue, disqualifiée, moquée encore moins, l’enfant doit se sentir important, valorisé, attendu, reconnu. C’est pourquoi le cadre est posé et aucun perturbateur ne peut être toléré, les premiers récits sont les éléments fondateurs de ce projet. L’enseignant a un rôle de garant, son exigence doit être ferme, il assure la sécurité de celui qui se livre ainsi aux autres. Selon qu’il saura établir cette protection, la suite des récits s’en trouvera facilitée et enrichie.
La lisibilité du récit permet sa diffusion aux autres familles. Je considère que les défauts de langage de type prononciation restent de l’ordre de l’intime (s’il le fait dans l’album langage c’est que ce dernier reste entre la famille et l’école), c’est pourquoi l’enseignant ne permet pas de pointer ces erreurs par écrit. Il les gomme en redonnant à l’enfant son intention verbale car l’objectif n’est pas dans l’académisme langagier mais bien dans le désir de provoquer la parole, dans le travail de la mise en pensée et dans la construction du sentiment de pouvoir. Certes ce récit va servir de troisième bilan langage mais il s’appuie sur l’observation de la complexification des phrases, indicateur fort du bon niveau de langage. Il n’est donc pas tourné vers les soucis articulatoires ni les déformations de mots ou de verbes.
Ai-je été suffisamment précise ? Allez-vous douter de nouveau devant une formulation difficile à écrire ? N’attendez pas pour m’interroger, je reste à votre écoute.