l'éducation coûte cher
« C’est une part importante de l’enfance qui demande à être considérée afin que l’enfant sente que ce qu’il fait à une place valable. »
Je reprends cette phrase du texte « Comment encourager sans juger lors de l’activité artistique » pour débuter cette réflexion sur les moyens matériels en jeu.
C’est un sujet que nous avons évoqué plusieurs fois et qui mérite que nous nous y penchions à nouveau.
L’éducation coûte cher. C’est un choix.
Quand, en classe, l’enseignant réfléchit en termes de moyens et voit du gaspillage dans les activités artistiques, c’est qu’il n’en perçoit pas l’utilité en tant qu’apprentissage. Je provoque parce qu’il est important de comprendre que la dépense qu’on attribue aux choses passent par notre propre filtre de hiérarchisation.
Personne ne remet en question un budget pour manuels scolaires et cahiers à l’école parce que ceux-ci sont une priorité aux yeux de la société toute entière.
L’accès à l’art et à son enseignement reste une voie d’apprentissage qu’il faut justifier, expliciter et convaincre de la pertinence. L’aspect ludique déprécie dans l’esprit des gens, y compris de certains enseignants, le sérieux de cette activité et l’impact qu’elle peut avoir sur les apprentissages dits fondamentaux.
Certains pensent qu’elle pourrait d’ailleurs être prise en charge par d’autres personnes tels que les animateurs du péri-scolaire dégageant ainsi du temps pour ce qui est digne d’intérêt.
Il faudrait que les élèves apprennent à parler sans support d’émotion comme le sont les moments si essentiels de rencontre avec l’art, il faudrait qu’ils n’aient accès à leur imaginaire qu’au travers des lectures et qu’ils ne créent qu’en inventant des suites aux histoires, il faudrait qu’ils n’apprennent à exprimer leur goût sensible qu’en manipulant les nombres et qu’ils ne construisent leur rapport à l’autre uniquement dans la cour de récréation.
Ce serait les priver d’un précieux outil pour développer leur goût d’apprendre.
Tout est lié et l’expression créative de soi à travers les activités artistiques amène à l’intelligibilité de soi et du monde. Chercher l’accès au mystère du monde c'est-à-dire en quelque sorte au secret des choses reste le meilleur moyen pour cultiver la curiosité nécessaire pour entreprendre des apprentissages. Le biais de l’artiste ouvre la porte de l’intériorité et de la sensibilité qu’aucun autre domaine ne parvient à offrir et chacun pressent que le sens de la vérité se cache dans ces histoires symboliques que sont les œuvres d’art.
Alors une fois que l’enjeu est perçu, le regard change et les priorités se déplacent. L’activité artistique prend une toute autre dimension et devient un appui essentiel aux autres apprentissages.
« Je ne fais pas de la peinture uniquement pour patouiller parce que je suis petit et que j’ai besoin d’activités ludiques, je fais également de la peinture parce qu’avec cette activité particulière, je découvre le goût d’apprendre accompagné par un enseignant dont le métier repose sur ce préalable indispensable. C’est à lui d’en poser les bases et d’en tirer profit. »
Ainsi, les moyens pour cette activité ne semblent plus être facultatifs mais bien indispensables et lorsqu’un élève veut recommencer et recommencer une nouvelle fois, il n’est pas question de penser « Stop au gaspillage » mais plutôt « Quelle chance de lui donner cette possibilité ».
J’essaie de me faire comprendre, je ne dis pas qu’il ne faut pas instruire les élèves du respect de la chose matérielle, je dis que l’activité artistique ne s’y prête pas et que faire et refaire est un besoin authentique de l’enfant dans le domaine de la création. L’enseignant lui apprendra à bien égoutter son pinceau (ça dépend s’il fait du Pollock ou du Boutten ce sera plutôt le contraire), à peindre sur la feuille, à reboucher ses feutres, à bien utiliser et ranger le matériel …. Mais il ne dira pas à l’élève : « Ca coûte cher le papier ou la peinture donc ça suffit, tu arrêtes », car cette phrase (même pensée) va à l’encontre de tout ce que je viens de dire.
Renverser certains préjugés sur l’approche artistique, cela peut être une mission, est-elle utopique ? Parfois je me dis que oui et parfois je sens profondément qu’il y a suffisamment de personnes qui y croient comme moi pour y parvenir. Chacun peut contribuer à éveiller le sens de ces enseignements et défendre l’idée qu’ils manqueraient à l’école s’il fallait les laisser en dehors de son sein.