La première journée d'école (1ere partie)
1. la rentrée
2. la relation avec l'enseignant
3eme article :
La porte est refermée , le dernier parent est parti. Clara pique une grosse colère en donnant des coups de pieds dans la porte, Paul pleure sans cri dans un petit coin de la classe , Morgane s’accroche au pantalon de la maîtresse comme à une bouée de sauvetage et Axel ne veut pas quitter les bras de Laurence l’Atsem. Le petit groupe d’élèves suit des yeux tous les faits et gestes de la maîtresse qui tente tant bien que mal de les rassembler dans les cris et les pleurs.
Au fur et à mesure qu’un petit accepte de s’asseoir , un autre vient et progressivement en allant les chercher un par un (1), la maîtresse aidée de Laurence parvient à regrouper sa classe. Clara ne crie plus, elle regarde de loin le groupe, elle refuse de venir avec lui, Paul a docilement rejoint les petits copains. La maîtresse montre un étrange colis accroché au plafond (2) : « Mais qu’est-ce que c’est que ça ? » demande-t-elle. Tous les petits yeux se dirigent vers l’objet suspendu et tout à coup, les pleurs cessent, chacun retenant son souffle par la surprise. Clara de loin dit : « C’est comme mon papa », la maîtresse l’interroge : « Comme ton papa, Clara, ton papa a des cartons , c’est ça ? »(3). Clara réalise qu’on s’adresse à elle et que tous les yeux la regardent, elle se fige. La maîtresse relance : « Clara a reconnu un carton, mais qu’est-ce qu’il y a à l’intérieur et comment va-t-on l’ouvrir ? ». Un enfant répond : « y’a tateau », la maîtresse traduit : « Tu penses qu’il y a des gâteaux dans le carton ? », l’élève fait oui de la tête, Paul dans un souffle lance : « Faut une chaise »(4), la maîtresse accepte la proposition et demande si quelqu’un peut rapporter une chaise, Johnny se précipite et tente d’en transporter une, il a du mal, c’est lourd. La maîtresse suggère qu’un autre enfant aille l’aider. Léa , Marion et Yoan se lancent à sa rescousse et le petit groupe arrive uni jusqu’à la maîtresse, celle-ci demande : « Qui va monter pour descendre le carton ? », « Moi, moi » fusent de toute part , la maîtresse propose que ce soit Paul qui a fait la proposition de la chaise en premier. Celui-ci avance nonchalamment le pouce dans la bouche. Il se hisse sur la chaise , la maîtresse se positionne pour le protéger de la chute. Paul tend les mains vers le colis, il saisit les côtés et tire, mais la corde résiste, la maîtresse intervient pour la dénouer.
Chacun retient son souffle se demandant ce que peut contenir cet étrange carton. La maîtresse demande que chacun reste assis, elle propose à Clara de venir avec eux découvrir la surprise, Clara tape du pied et refuse en se renfrognant. Vite la maîtresse détourne l’attention des autres élèves(5) car la réaction de Clara pourrait relancer des pleurs, elle soulève la première bande de scotch en disant : « Y-a-t-il des gâteaux dans ce carton, voyons ? ». Lorsque les bandes de scotch sont retirées, elle maintient le suspens en regardant d’un œil dans la boîte sans l’ouvrir totalement en faisant une drôle de mine étonnée, puis elle glisse sa main dans la boîte , enfile discrètement le gant de la marionnette et fait sortir la tête de celle-ci qui regarde autour d’elle sans rien dire. Les enfants se mettent à rire, certains à crier. La marionnette se cache de nouveau dans la boîte ; la maîtresse dit : « Chut, ne lui faisons pas peur, vous la connaissez ? », les enfants se taisent, la maîtresse demande : « Dis donc toi la marionnette comment tu t’appelles ? », celle-ci répond timidement : « Je m’appelle Dalma », « Bonjour Dalma, vous aussi les enfants vous pouvez lui dire Bonjour Dalma », les enfants lancent des « bonjour Dalma », la maîtresse interroge : « Mais Dalma raconte nous, qu’est-ce que tu faisais dans ce carton dans notre classe ? », la marionnette manipulée par la maîtresse répond : « Je viens à l’école mais comme j’avais peur, je me suis caché », « Tu avais peur ? » « Oui j’avais peur des enfants », « Alors, je vais te les présenter comme ça tu les connaitras et tu n’auras plus peur » dit la maîtresse. Elle fait le tour de ses petits élèves et chacun embrasse la petite marionnette pendant que la maitresse donne les prénoms, elle se dirige vers Clara qui est toujours à côté de la porte, celle-ci accepte de dire bonjour à la marionnette (6). La maîtresse la prend par la main et l’amène jusqu’au regroupement. Elle récapitule : « Nous avons trouvé une boîte accrochée à une corde, nous pensions qu’il y avait des gâteaux à l’intérieur et qu’y avait-il en réalité ? », « Dalma » répondent les enfants.
Paul est repris d’un élan de peine, dans un gros sanglot qu’il tente de retenir, il renifle mais son attitude réveille l’angoisse de deux autres petits qui laissent éclater leurs pleurs. La maîtresse tente de faire diversion en proposant d’aller jouer aux ballons dans la grande salle de l’école. Mais de nouveau, le groupe est envahi par l’inquiétude et les pleurs redoublent. La maîtresse essaie de calmer ses petits effrayés : « Chut, les enfants , Dalma va retourner dans sa boîte si vous criez ainsi, il va avoir peur ». Mais l’attention n’est plus possible et il va falloir passer cette nouvelle vague de pleurs avec tolérance et patience (7).
Le groupe se déplace jusqu’à la salle de jeux, les lieux inconnus aggravent les larmes, arrivés dans le nouvel espace, presque tout le groupe pleure à l’exception de Clara qui a compris qu’il y allait avoir des ballons et c’est ce qu’elle aime par-dessus tout (8).
La maîtresse accompagnée de Laurence distribue des ballons à chacun des élèves, certains se calment et se lancent dans le jeu, d’autres refusent le ballon et le laissent tomber , d’autres se mettent à hurler si la maîtresse insiste. La séance débute dans la cacophonie. Laurence a disposé des cerceaux au sol le long d’un mur. La maîtresse explique qu’ils jouent avec leur ballon comme ils en ont envie et que dés qu’elle tape dans ses mains, ils doivent venir très vite avec leur ballon dans un des cerceaux. Elle insiste sur la notion de « trés vite », car elle sait combien les petits aiment courir. Le jeu se déroule de manière désordonnée, Morgane crie à chaque fois qu’un enfant s’approche de son ballon, Axel joue puis s’arrête pour aller rejoindre Laurence puis repart et ainsi de suite, Johnny tient son ballon sans le poser une seule fois par terre et va shooter dans celui de Clara qui le regarde en fronçant les sourcils, elle se retient de ne pas lui tirer les cheveux comme elle a l’habitude de faire avec sa sœur, Paul est dans son petit coin et joue gentiment avec son ballon. Yoan lance son ballon et fait de belles glissades pour le récupérer, Léa va systématiquement s’asseoir dans un cerceau où il y déjà un enfant malgré les recommandations de la maîtresse : « un cerceau pour un enfant ». Marion n’ a toujours pas touché à son ballon mais elle sourit en regardant les autres jouer. Les pleurs ont de nouveau cessé (9). La maîtresse se dépense sans compter (10) pour encourager ceux qui ne font rien , pour mener le jeu et rappeler les règles, pour consoler ou intervenir dans un conflit, pour redonner les ballons à ceux qui ne retrouvent plus le leur, pour féliciter les enfants assis dans leur cerceau. La séance s’achève dans un rangement chaotique, certains ne voulant plus rendre leur ballon.
Il est temps d’aller en récréation. Le passage aux toilettes s’impose……..
Dans un prochain épisode de notre saga « rentrée », vous serez au cœur de la récréation d’une première journée d’école : jungle ou lieu de socialisation ?
Commentaires professionnels :
(1) Avec les petits , ne pas les appeler en espérant qu’ils arrivent, il faut très souvent aller les chercher et ne pas attendre qu’ils viennent.
(2) L’étonnement est créé par la situation contradictoire, un objet est suspendu par une ficelle alors qu’ordinairement il se trouve posé. Provoquer l’étonnement enfantin, c’est créer des contrastes.
(3) La maîtresse parle au nom de l’enfant, elle traduit, l’enfant se sent entendu , par la suite, il se réappropriera les paroles de la maîtresse.
(4) La situation crée la nécessité d’exploration donc l’activité intellectuelle.
(5) Elle n’insiste pas avec Clara, elle sent qu’elle n’est pas prête. Il faut sentir qu’en insistant, on gâche l’évolution de la situation de blocage.
(6) L’utilisation de la marionnette permet le lien affectif. On ne peut donner son affection à un adulte qu’on ne connait pas encore, c’est le discours parental qui est intériorisé, mais avec une peluche, il n’y a aucun danger.
(7) Les pleurs sont communicatifs et l’étonnement est retombé, les changements de lieux angoissent.
(8) Le choix du ballon pour la première séance correspond aux repères familiaux, ils ont TOUS un ballon chez eux, ça rassure.
(9) L’activité est source de joie et de décentrage, l’enfant vit sa vie, il n’est plus dans la séparation déchirante.
(10) L’adulte est partie prenante et ne se ménage pas, c’est important de donner à chacun sa petite part de reconnaissance : « Tu vois, je ne t’oublie pas » pour nouer le lien.