le cahier de liaison, est-ce une vitrine ?
Le cahier de liaison, est-ce une vitrine ?
Lors de l’enquête de satisfaction 2013, j’ai eu l'occasion de me confronter à une interrogation que je n’avais jamais eue. C'est en lisant Audrey qui parlait de sa vision du cahier de vie (que j’appelle de liaison) avant de découvrir le blog. Elle pensait que ce cahier semblait sans but pédagogique, juste une vitrine. Elle a, depuis, changé d’opinion.
Cela me fut bénéfique parce que je n’avais jamais envisagé cet outil sous cet angle et cela me permit de comprendre un autre regard.
Une vitrine est un lieu où on expose pour « vendre » , pour attirer l’œil , pour enjoliver son « produit ». Il y a derrière cet affichage une volonté de montrer le meilleur pour faire penser que tout le reste est au même niveau de qualité.
Il faudrait donc en déduire selon cette représentation que l’enseignant qui utilise un cahier cherche à se mettre en avant, à convaincre que son travail est le meilleur, à tromper sur la réalité de sa classe en ne montrant que le beau, en cherchant l’approbation des parents qui en tant que « consommateurs » seraient pris dans le filet de la vitrine.
Qu’y a-t-il au fond dans cette vision négative du cahier de liaison ?
Il y a en premier lieu une non-reconnaissance de l’école maternelle en tant qu’école puisque jamais cette affirmation « vitrine » ne viendrait à l’idée d’un enseignant en parlant de l’élémentaire et de ses nombreux cahiers. En toute logique, l’école maternelle n’a pas droit aux échanges d’outils avec les familles, elle n’en a pas la légitimité, un cahier pour des petits c’est forcément incohérent et cache un autre but que pédagogique.
En second lieu ( toujours selon cette vision « vitrine »), la relation aux familles semble être basée sur un rapport demandeur-fournisseur où la notion de partenariat n’a pas sa place et où le jugement est au centre des préoccupations.
Enfin, il apparait clairement que l’idée de compétition entre collègues est le ferment de ce point de vue. Le collègue qui utilise un cahier peut être ressenti comme un adversaire qui tente d’attirer à lui les regards pour mieux surclasser ses pairs. Evidemment, ce n’est pas très avouable de penser ainsi mais c’est une réalité qu’il est inutile de passer sous silence. La reconnaissance ne se partagerait pas, elle se gagnerait dans une lutte où les parents seraient les juges.
Quand je parle d’état d’esprit en décrivant mes orientations pédagogiques , je cherche à démontrer que celui-ci est fondamental dans l’attitude de l’enseignant et qu’il a à interroger ses représentations pour réussir à les démonter quand celles-ci sont fâcheuses pour sa pratique.
Comment ne pas voir que l’enseignant lui-même s’enferme dans un regard sur son métier complètement néfaste ?
Ne pas voir dans l’école maternelle une école c’est ne pas se reconnaitre en tant qu’enseignant.
Penser que le jugement des familles est l’élément principal de la relation enseignant-parent , c’est s’exposer aux critiques durablement au risque d’une détérioration relationnelle.
Penser ses rapports aux collègues en termes de compétition c’est s’isoler pédagogiquement et s’appauvrir professionnellement.
Cet article n’a pas comme but de convaincre de l’utilisation d’un cahier de liaison ( ses enjeux pédagogiques ont été exposés dans plusieurs articles sur le blog) mais propose que nous nous interrogions sur notre responsabilité face à de telles affirmations.
Comment agir face à ce genre de propos tenus au sein même de l’école ? Suis-je suffisamment prêt(e) à affronter une discussion à ce sujet pour défendre mon point de vue ? De manière générale, suis-je influencée par des déclarations formulées de manière catégorique (sans argumentation) qui n’étaient pas au préalable ma façon de penser ?
Je remercie Audrey d’avoir eu la franchise d’aborder ce point de vue et de nous donner l’occasion d’y réagir. J'espère que cet article sera l'occasion d'exprimer vos réponses à ces interrogations afin de vous renforcer ou d'aider à l'argumentation ceux qui auraient encore des doutes.
Merci encore de faire du blog un lieu d'échanges qui nous permet d'aborder des aspects parfois invisibles de nos représentations mais qui ne sont pas sans conséquence sur les pratiques.