on ne pense pas gaspillage mais on doit éviter le gaspillage
La réflexion précédente autour de l’éducation coûte cher amène naturellement à considérer la notion de gaspillage. J’ai écrit l’article précédent en insistant sur le fait que l’activité artistique ne devait absolument pas être mineure dans une pratique pédagogique qui tend à développer le goût d’apprendre. En conséquence, j’ai appelé à revoir son opinion quand celle-ci considérait du gaspillage dans le domaine des arts : gaspillage de temps mauvaise utilisation de celui-ci, gaspillage de matériel (feuilles, peinture, outils…) dépenses inutiles…
Concernant la mauvaise utilisation du temps, je n’y reviens pas, j’ai expliqué l’importance de ces activités en classe et la nécessité de les justifier auprès de ceux qui n’y voient que de l’occupationnel.
Concernant les dépenses inutiles, j’y reviens parce que mon inclinaison naturelle est dans la recherche de l’art de l’essentiel. Je m’explique. Je pense que les élèves doivent pouvoir recommencer autant de fois qu’ils le souhaitent , qu’ils peuvent laisser deux traits sur une feuille si leur élan premier est celui-ci et qu’il n’est pas question de remplir cette feuille uniquement pour la remplir parce qu’ il faut économiser le papier. Cela serait comme si finalement l’intention et l’acte étaient inférieurs à l’aspect matériel et que seul l’enseignant déciderait de la réponse artistique attendue. Ce qui, évidemment, est absolument contraire au développement de l’imaginaire et du sens créatif.
Cependant, cette liberté créative peut s’exercer dans un contexte où l’art de l’essentiel existe. Quel est-il ?
Il est un point important de notre responsabilité de citoyen et de notre exemplarité en tant qu’adulte.
Comment offrir aux élèves des conditions matérielles suffisantes pour les amener à exprimer tout leur potentiel tout en respectant l’environnement et en évitant le gaspillage ?
Ce juste équilibre demande surtout d’être astucieux, inventif et pédagogue.
Je veux donner quelques exemples et je compte sur vos propres astuces pour multiplier les bons plans et les bonnes idées.
Concernant la peinture, il suffit de commander des bouteilles des trois couleurs primaires + blanc et noir et fabriquer soi-même les autres couleurs ce qui permet de travailler sur toutes les variations de rose, de vert, d’orange …. plutôt que d’acheter des bouteilles de peinture rose ou marron …. qui restent dans les placards à peine entamées.
La conservation de ces peintures est également un geste à acquérir et utiliser des pots d’aliments pour bébé avec couvercles afin d’éviter la sécheresse est une pratique courante quoique ….
Lorsque les élèves font leurs propres mélanges (c’est important de les amener à cette découverte), ceux-ci sont conservés de la même manière et vont alimenter la peinture libre une fois qu’ils ne sont plus utiles.
Lors des séances où les élèves apprennent (oui après la découverte, il faut leur apprendre) à faire des mélanges, ils manipulent directement les bouteilles, et s’exercent à mesurer la pression sur celles-ci afin d’en contrôler le débit. Bien entendu, il y aura quelques ratages, mais ceux-ci sont plus formateurs et plus économiques que si c’est l’adulte qui à chaque fois prépare les peintures. Les enfants savent ce qu’ils veulent faire et finissent par doser en fonction de leur besoin.
Concernant les outils, quelques pinceaux de différentes tailles suffisent et tous les objets de récupération (éponge, bouchon, fourchette plastique, couteau, morceaux de bois, tissu……) sont les bienvenus pour les expérimentations.
Pour ce qui est du papier, il faut trois catégories, le beau papier (canson, bristol, affiche…), la papier de qualité moyenne, et le papier de récupération (parfois on peut avoir du beau papier de récupération si on a un contact dans une imprimerie, ne pas hésiter à solliciter les parents dans ce sens). Selon les projets, l’enseignant évalue quel type de papier il va proposer. Inutile de sortir le beau papier si le projet est de s’exercer mais cela ne veut pas dire que si on a sorti le papier de qualité pour une tâche aboutie et que l’élève désire recommencer, il ne lui sera plus possible de le faire. L’essentiel est et reste l’activité de l’élève dans sa pleine mesure.
L’enseignant inculque le respect du matériel à ses élèves tout en leur offrant tout ce dont ils ont besoin pour leur expression.
Il y a également des choix budgétaires à faire. On voit défiler dans les écoles nombre de représentants vantant tels ou tels jeux, tels ou tels classeurs de fiches, tels ou tels nouveaux matériels, tout paraît bien tentant parfois et la note est souvent salée au détriment du matériel basique dont chacun a besoin et pour lequel il est répondu qu’il n’y a plus de budget.
C’est en cela que l’art de l’essentiel me tient à cœur. Je préfère mille fois investir dans du papier et trois bouteilles de peinture que dans le dernier jeu aimanté qui finira dans l’armoire, attention je ne suis pas contre les jeux aimantés, j’indique juste mes priorités et les priorités se construisent sur la compréhension des enjeux.
Enseigner l’art en maternelle demande conviction et choix d'organisation.
Chacun dans sa liberté pédagogique se détermine selon les différents éclairages, le mien est ainsi, et le vôtre ?