réponse à Romain sur la féminisation du métier d'enseignant
ROMAIN:
Tout d'abord (une fois n'est pas coutume j'imagine), merci et bravo pour ce site fabuleux, dans lequel transparaît, tout à la fois, l'imagination, l'humour, la réflexion, la créativité, le doute, l'humanité, les angoisses, les satisfactions, le théorique, le pratique, j'en passe et des meilleurs... |
Voilà un sujet d’étude fort intéressant.
La féminisation du métier ne date pas d’aujourd’hui.
A mon époque , le concours de l’Ecole Normale était divisé en deux, concours filles et concours garçons, et déjà à cette époque (années 1970), la fille avait une chance sur 10 de réussir et le garçon une chance sur 3. Il y avait autant de places filles que de places garçons ce qui maintenait un certain équilibre. Cependant, l’école maternelle n’attirait que très peu de vocation masculine. Il est facile de comprendre que les mentalités ont toujours attribué à la petite enfance une place subalterne, et les hommes ont rarement pensé qu’ils avaient les compétences pour prendre en charge des élèves si jeunes. Pour faire le choix d’enseigner en maternelle quand on est un homme, il faut ramer à contre-courant. C’est un défi aux idées reçues et aux préjugés. D’une part, enseigner à des petits élèves est considéré comme dévalorisant , c’est par ignorance que la plupart des personnes pensent ainsi, y compris dans nos propres rangs, d’autre part, il faut avoir le courage de la différence et des regards incompréhensifs. Même l’appellation « école maternelle » en dit long sur le poids des facteurs sociaux. Philippe Meirieu propose de la renommer « Ecole première » et considère que l’expression actuelle est obsolète. Si nous voulons changer le regard sur cette école , qu’elle soit reconnue comme une école à part entière et non pas un lieu familial où les femmes (miroir des mères) représenteraient l’exclusivité de la prise en charge des enfants, alors peut-être faudra-t-il rompre avec ce nom à trop forte connotation affective.
Qu’ont donc les hommes spécifiquement à apporter à cette école ?
L’école est une communauté de la société, elle offre aux élèves une représentation du monde dans lequel ils vivent, l’aléatoire des classes permet cette richesse des différences et des rencontres qui parfois ne pourraient se faire ailleurs que là. A l’école maternelle ( appelons la encore ainsi), la présence d’un maître permet un élargissement des figures identificatoires. J’oserais dire « encore plus » dans notre monde actuel où de nombreux enfants vivent uniquement avec leur mère et souffrent de ce manque de masculinité dans leur construction identitaire.
Les différences d’approche des élèves entre femmes et hommes peuvent être aussi un territoire nouveau à explorer pour l’équipe pédagogique dans la confrontation de ces différences. Ainsi, sans faire de la psychologie abusive, la mère est contenante et le père est le tiers séparateur. Pour de nombreux enfants, l’autonomie affective qu’ils ont à élaborer pour devenir élève sera mieux soutenue par un homme que par une femme.
La complémentarité des adultes que les élèves pourraient connaitre au cours de leur scolarité maternelle est un atout majeur pour leur développement personnel. Ce sont ces années si jeunes qui sont fondatrices de la scolarité et il est absolument essentiel que le regard de la société sur cette école change. Que des hommes se lancent dans l’aventure et osent revendiquer leur place au sein de cette école première.
Le débat sociologique s’interroge sur la féminisation d’une profession qui causerait sa dévalorisation , on peut effectivement constater que le métier d’enseignant subit cette dépréciation dans l’opinion et qu’il y a 4 femmes pour un homme enseignants. Les mentalités semblent vouloir changer, on parle de parité, des métiers plutôt masculins tels que médecin, avocat , architecte évoluent vers une féminisation plus importante, les rôles entre parents dans la prise en charge des enfants voudraient s’équilibrer. Espèrons que chacun comprenne que plus les enfants sont petits et plus les personnes qui en ont la charge doivent être qualifiées et reconnues socialement, il en va de l’avenir de notre société qui saura enfin considérer sa jeunesse.
Je ne sais Romain si ma brève réponse correspond à ta demande, je pense que tu as toi-même des choses à ajouter car qui mieux qu’un homme peut parler de ce que les hommes apportent à l’école.
Si tu as lu le blog dans tous les sens, tu auras tout de même constaté qu'il y a quelques hommes qui vous représentent et un certain David qui enseigne à l'école paternelle ( rare en France puisqu'ils sont deux hommes), il pourra peut-être nous donner son point de vue sur le sujet.
On peut donc dire que le blog reflète bien la représentation trés faible des hommes en maternelle.