série "début d'année":j'ai le sentiment de ne pas avoir d'autorité
Pour la première période , je vous propose une série d'articles sur les questionnements du début, à raison d'un éclairage par semaine.
Voici le programme des affirmations qui seront traitées:
1 Je crains le jour de la rentrée
2 Je ne supporte pas ou plus les pleurs.
3J'ai peur de parler aux parents.
4 J'ai le sentiment que cela va dans tous les sens.
5 J'ai le sentiment de ne pas avoir d'autorité.
6 Je me sens découragée.
La cinquième affirmation aborde LE point noir d'une carrière d'enseignant ( déjà évoqué ici).
J'AI LE SENTIMENT DE NE PAS AVOIR D'AUTORITE
Avoir de l'autorité est une qualité indispensable au métier. Ceux qui se dirigent vers cette profession doivent savoir qu'ils apprendront à en avoir, que parfois c'est naturel , mais que cela s'acquiert aussi. Il n'y a donc pas de fatalité, ni de résignation possible.
Le sentiment de ne pas avoir d'autorité est le constat d'une indiscipline manifeste de la classe ou de certains élèves.
La première chose que je voudrais dire à ce sujet est que cette impression vient des propres doutes de celui qui se sent maltraité par ses élèves.
Les doutes s'immiscent dés lors que l'enseignant débutent mais aussi dés lors qu'il commence une nouvelle année.
Douter est une bonne dynamique professionnelle, c'est important aussi de ne pas s'illusionner sur la réalité de ce qui attend mais cela ne peut être vécu de manière sclérosante où l'enseignant a l'impression d'être dans une impasse, d'autant plus que celui qui doute renvoie aux élèves un sentiment d'insécurité très favorable à l'indiscipline.
Facile à dire, difficile à vivre me direz -vous ?
Effectivement, pour apprendre son autorité, l'enseignant doit la penser pour contrer ses doutes.
Si l'insécurité est source d'indiscipline, il faut peut-être réfléchir à combattre celle-ci.
Il y a plusieurs points qui me semblent incontournables:
L'enseignant doit être une référence, un modèle. Il incarne l'adulte protecteur, le professionnel compétent. Il est important de situer les places de chacun: « Je suis la maîtresse, je ne suis pas ta maman » ainsi que les lieux « ici c'est l'école ». Ces phrases toutes simples sont pourtant riches de sens, elles informent l'élève sur sa place et sa relation à l'adulte.
Les règles sont établies ( parfois ensemble) et expliquées clairement. Mieux vaut quelques règles simples qu'une multitude qui noie leur compréhension. Par contre, ces règles sont immuables et les élèves savent quelle sanction ils encourent dans leur transgression. La sanction est en rapport avec le non-respect de la règle, c'est à dire qu'elle permet une réflexion sur ce qui a été fait, ou parfois une réparation. La punition est à bannir, elle renforce la mauvaise estime de soi et par conséquent l'hostilité et la rancoeur. Exemple: un élève perturbe un regroupement et malgré les rappels de l'enseignant , l'élève persiste dans son comportement, la sanction appliquée et connue par les élèves est le retrait du groupe formulé ainsi : « Puisque tu ne parviens pas à te calmer , à écouter ce qui se dit quand nous sommes ensemble, tu vas aller réfléchir sur la chaise à l'écart et tu vas pouvoir observer comment les autres s'y prennent, puis quand je verrai que tu es calmé, je te dirai de revenir avec nous », un exemple de punition pourrait être « puisque tu n'écoutes pas, tu n'iras pas en récréation avec tes copains », quel est le rapport entre écouter et être privé de récréation dans la tête de l'élève, comment construit-il son propre contrôle si ce qu'il subit lui semble être une injustice, quelle image de lui-même cela lui renvoie -t-il : « je suis si vilain que je n'ai pas le droit d'aller jouer dehors » , la sanction au contraire lui indique que son comportement est inacceptable parmi les autres mais qu'il peut y réfléchir, qu'il peut par l'observation trouver une réponse à sa recherche, qu'il peut « réparer » pour être admis dans le groupe. Le regard sur lui-même est alors constructif, ce n'est pas moi en tant que personne mais mon comportement qui n'est pas accepté et cela peut faire toute la différence....
L'enseignant exprime sa confiance envers ses élèves, c'est à dire qu'il est convaincu de vouloir les aider à réussir, chacun selon ses propres possibilités. C'est une tâche parfois difficile car certains élèves nous mettent à rude épreuve et notamment ceux qui sont les plus remuants et qui sont souvent ceux qui ont le plus de difficultés avec les apprentissages. Dés lors que l'enseignant se laisse aller au jugement négatif et décourageant, les élèves le ressentent et perdent espoir, donc motivation et intérêt pour la chose scolaire. C'est une autre forme d'autorité que d'affirmer vouloir la réussite de tous ses élèves.
L'autorité a été pensée, réfléchie, construite , elle devient alors une posture.
L'autoritarisme est un abus de pouvoir, il permet à l'enseignant de profiter de sa position dominante pour affaiblir ceux dont il a la responsabilité. Il ne cherche pas à développer leur autonomie ni leur esprit critique, il impose son enseignement en faisant régner une forme de terreur qui ne construit en rien la capacité de chacun à devenir « sujet » de sa vie.
L'autoritarisme veut des machines à obéir, tant pis si une fois , le dos tourné, les élèves ne respectent plus rien ni personne.
L'autorité , parfois plus lente à agir, se mesure sur la durée, sur la capacité à se contrôler en dehors de la présence de l'adulte référent.
Quelle posture tenir quand on ne veut pas faire d'autoritarisme tout en souhaitant dégager une autorité ?
Personnellement , je crois au ton de la voix, à la présence physique et au regard porté.
Le ton de la voix demande pour certains de s'y exercer, ce n'est pas toujours facile d'avoir un ton ferme sans crier. Il faut y mettre sa conviction, de manière à ce que les élèves sentent qu'il n'y a pas d'alternative, il faut y mettre de la protection « je suis là , je te protège y compris contre toi-même », il faut y mettre du respect. Je crois qu'il peut être utile de s'y entrainer (chez soi, comme pour jouer au théatre).
La présence physique signifie que lorsque l'enseignant est dans sa classe, il est bien là, parfois il arrive que l'on soit ailleurs ( dans ses pensées, ce peut-être une échappatoire), il est vigilant et observe tous ses élèves, lorsqu'il demande à un élève de le rejoindre, si celui ci n'agit pas, l'enseignant n'hésite pas à aller le chercher, on sait très bien que chez les petits , ce type d'attitude est très fréquente, c'est pourquoi l'adulte se positionne physiquement.
Le regard porté est une des clés de l'autorité. J'en ai parlé à plusieurs reprises sur le blog mais je suis vraiment convaincue de cela. Si l'enseignant ne cherche pas à connaître et à comprendre chacun de ses élèves, il perd un des moyens les plus efficaces de mener à bien sa tâche. S'ouvrir à l'autre et tenter de le comprendre est une porte à franchir ( je décris comment ici). Une fois, ce franchissement fait, le regard de l'enseignant va changer et le comportement de l'élève aussi. Je ne peux pas vraiment expliquer les processus, mais ce qui est certain ,c'est que cela opère . Exemple: avec des élèves particulièrement difficiles, l'enjeu est le rejet, certains de ces petits élèves ont déjà connu tellement de déceptions dans leur relation aux autres ,qu'ils s'enferment dans une attitude provoquant à coup sûr le rejet, ils ne souhaitent pas l'affection ni l'attachement au risque de devoir à nouveau les perdre. Grâce à l'observation, l'enseignant aiguise son regard et comprend l'enjeu sous-jacent. Son attitude d'adulte change et il pourrait penser ceci ( dialogue intérieur): « Puisque tu veux absolument que je te rejette, que tu crois ne pas être digne d'attachement et de bienveillance, je vais tout faire pour te démontrer le contraire, je continuerai à penser que tu es quelqu'un de bien, que je veux t'aider et que tout ce que tu me fais subir, je le comprends mais je ne l'accepte pas, je vais te considérer comme les autres élèves de la classe et avoir les mêmes exigences, je te reprendrais à chaque fois qu'il le faudra, ce n'est pas moi qui abandonnerai , c'est toi qui finiras par accepter mon aide ». J'ai connu ,presque chaque année, des élèves difficiles, pour qui l'autorité n'avait pas grand sens, certains m'ont fait souffrir un peu, d'autres beaucoup, un seul de tous ces élèves m'a fait échouer dans ma tâche. Je n'ai pas réussi avec lui. Son orientation en hôpital de jour n'a pas atténué mon sentiment d'échec et la dépense d'énergie durant cette année fut longue à combler. Dans ce type de situation,il n'est pas rare que l'enseignant soit gagné par le sentiment de découragement ,ce sera donc le prochain et dernier sujet de cette série.
En bref, l'autorité s'apprend, elle demande même de s'y exercer, elle dépend des propres doutes de l'enseignant ( attention parfois une haute estime de soi pourrait faire penser que la personne ne doute pas, or c'est équivalent à une faible estime de soi, la personne cache sous un vernis d'assurance toutes ses interrogations personnelles), elle s'acquiert dans le respect et le regard porté sur ses élèves.
Vous n'êtes pas d'accord avec ma vision de l'autorité, ce blog vous est ouvert.
Vous avez essayé et n'êtes pas parvenu à asseoir votre autorité, vous avez besoin d'en parler , ce blog vous est ouvert.
Vous êtes en accord avec cet article , vous voulez le dire, ce blog vous est ouvert.