Très joli texte chez Camille
Une amie de Nouvelle-Zélande a partagé sur facebook ce lien d'une maîtresse Canadienne.
http://missnightmutters.com/2014/11/dear-parent-about-that-kid.html
J'en ai fait une traduction pour mes collègues françaises qui ne maîtrisaient pas l'anglais.
Ce texte m'a touchée et je pense qu'il parlera à beaucoup de collègues sur le blog!
Chers parents :
Je sais. Vous êtes inquiets. Tous les jours, votre enfant revient de l’école avec une nouvelle anecdote à propos de CET enfant. Celui qui tape, pince, bouscule, griffe, et même parfois mords les autres enfants. Celui qui doit toujours me tenir la main dans le couloir. Celui qui a une place attitré sur le tapis et qui parfois s’assoit sur une chaise plutôt que par terre. Celui qui a dû sortir du coin construction car il ne faut pas jeter les légos. Celui qui a grimpé sur le grillage de la cour alors que je lui disais d’arrêter. Celui qui a renversé le verre de son voisin dans un accès de rage. Exprès. Alors que je le regardais. Et qui ensuite, quand je lui ai demandé de nettoyer, a vidé TOUT le dévidoir de serviettes en papier. Exprès. Alors que je le regardais. Celui qui a lâché un P… en cours de sport.
Vous vous demandez si CET enfant ne nuit pas aux apprentissages de votre enfant. Vous vous demandez s’il n’accapare pas trop mon temps et mon énergie aux dépens de votre enfant. Vous vous demandez si elle ne va pas vraiment faire mal à quelqu’un un jour. Vous vous demandez si ce quelqu’un ne sera pas votre enfant. Vous vous demandez si votre enfant ne va pas commencer à utiliser la violence pour obtenir ce qu’il désire. Vous vous demander si votre enfant va arriver à suivre parce que je n’aurai peut-être pas remarquer ses difficultés à tenir son crayon. Je sais.
Votre enfant, cette année, dans cette classe, aujourd’hui, n’est pas CET enfant. Votre enfant n’est pas parfait, mais généralement, respecte les règles. Il est capable de partager les jouets sereinement. Elle ne jette pas le mobilier par terre. Il lève le doigt pour demander la parole. Elle travaille quand c’est l’heure de travailler et joue quand c’est l’heure de jouer. On peut lui faire confiance pour aller directement aux toilettes et en revenir aussitôt après sans manigances. Elle pense que Zut et flûte sont des gros mots. Je sais.
Je sais. Je suis inquiète moi aussi.
Voyez-vous, je m’inquiète à longueur de journée. Pour CHACUN d’entre eux. Je pense à la tenue du stylo de votre enfant, de la prononciation d’untel, de la timidité d’une telle ou de l’absence systématique de gouter de tel autre. Je pense au manteau pas assez chaud de Théo et au papa de Léna qui la gronde parce qu’elle écrit le B à l’envers. La plupart de mes trajets en voiture et de mes douches sont rongés par l’inquiétude.
Mais je sais, vous voulez parler de CET enfant. Parce que les B à l’envers de Léna ne vont pas faire de cocard à votre enfant.
Je voudrais vous parler de CET enfant, moi aussi, mais il y a tellement de choses que je ne peux vous dire.
Je ne peux vous dire qu’elle a été adoptée lorsqu’elle avait 18 mois.
Je ne peux vous dire qu’il suis un régime dissocié pour exclure des allergies possibles et qu’il a faim TOUT.LE.TEMPS.
Je ne peux vous dire que ses parents sont au milieu d’un divorce très difficile et qu’elle vit chez sa grand-mère.
Je ne peux vous dire que je commence à croire que la grand-mère boit.
Je ne peux vous dire que son traitement pour l’asthme le rend très nerveux.
Je ne peux vous dire que sa mère est une mère-célibataire et que par conséquent, elle (la fille) est à l’école dès l’ouverture de la garderie du matin jusqu’à la fermeture de la garderie du soir et qu’ensuite il lui reste un trajet de 40 minutes en voiture pour rentrer chez elle, et que du coup elle (la fille) a moins d’heures de sommeil que la plupart des adultes.
Je ne peux vous dire qu’il a été témoin de violences domestiques.
Ok, vous direz. Vous comprenez que je ne puisse partager d’information personnelle ou privée. Vous voulez juste savoir ce que je fais au sujet du comportement de CET enfant.
Je voudrais tellement vous le dire. Mais je ne peux pas.
Je ne peux vous dire qu’elle est suivie par une orthophoniste, que son bilan a montré un retard de langage sévère et que la thérapeute pense que son agressivité est due à sa frustration de ne pouvoir communiquer.
Je ne peux vous dire que je reçois ses parents TOUTES les semaines et que très souvent ils pleurent tous les deux lors de ces rendez-vous.
Je ne peux vous dire que lui et moi avons un petit geste secret m’indiquant lorsqu’il a besoin de s’isoler un moment.
Je ne peux vous dire qu’il passe le temps de la sieste blottis contre moi parce que « ça me fait du bien d’entendre ton sœur maîtresse ».
Je ne peux vous dire que j’ai noté chaque incident depuis 3 mois et qu’elle est passée de 5 incidents par jour à 5 incidents par semaine.
Je ne peux vous dire que la secrétaire de l’école a accepté que je l’envoie lui donner un coup de main lorsque je sens qu’il a besoin d’un changement de décors.
Je ne peux vous dire que je me suis lever lors d’un conseil de maîtres, des larmes dans les yeux, et SUPPLIE mes collègues de garder un œil sur elle, d’être compréhensif, même lorsqu’elle vient de taper, ENCORE, et cette fois, JUSTE SOUS LE NEZ DE LA MAITRESSE.
Le truc, c’est qu’il y a TELLEMENT de choses que je ne peux vous dire au sujet de CET enfant. Je ne peux même pas vous dire le positif.
Je ne peux vous dire que son rôle dans la classe est d’arroser les plantes et qu’il a pleuré toutes les larmes de son corps lorsqu’une des plantes a péri pendant les vacances d’hiver.
Je ne peux vous dire qu’elle embrasse sa petite sœur tous les matins et lui murmure « tu es mon rayon de soleil » avant que maman l’emmène dans la poussette.
Je ne peux vous dire qu’il en connaît plus sur les orages que bien des météorologistes.
Je ne peux vous dire qu’elle demande souvent d’aider à tailler les crayons pendant la récréation.
Je ne peux vous dire que lorsqu’un camarade de classe pleure, il jaillit du coin lecture, un mouchoir à la main.
Ce qu’il y a, chers parents, c’est que je ne peux que parler de VOTRE enfant. Alors je peux vous dire ceci :
Si un jour, VOTRE enfant ou l’un de vos enfants, devient CET enfant là…
Je ne partagerai vos problèmes privés avec les autres parents de la classe.
Je communiquerai avec vous régulièrement, en étant la plus claire possible et de manière toujours bienveillante.
Je m’assurerai qu’il y aura des mouchoirs à tous nos rendez-vous et qi vous me le permettez, je vous tiendrai la main si vous pleurez.
Je vous préconiserai les meilleurs spécialistes et je travaillerai avec eux autant que cela sera possible.
Je m’assurerai que votre enfant reçoive un petit supplément d’amour et d’affection lorsqu’elle en aura le plus besoin.
Je serai la voix de votre enfant au sein de la communauté éducative.
Je continuerai de chercher et de trouver chez lui le meilleur et le plus étonnant et tout ce qui le rend spécial et merveilleux.
Je lui rappellerai, ainsi qu’à VOUS toutes ces qualités qu’il possède encore et encore.
Et lorsqu’un autre parent viendra me voir au sujet de VOTRE enfant…
Je lui dirai tout ceci, encore…
Avec toute mon affection,
Maîtresse.