Le passage à la pédagogie avec les intelligences multiples
Nous voilà lancés dans un projet de pédagogie nouvelle qui intègre la théorie des intelligences multiples d’Howard Gardner (professeur en psychologie à l’université d’Harvard), c’était une découverte lorsque Christine G a été une des premières lectrices à soulever et proposer ce changement en 2013. Il aura fallu encore deux années pour mûrir ce projet. Il est logique que certains d’entre vous se sentent éloignés, parfois dans le flou et l’incompréhension quand vous le découvrez.
En Juin, j’avais conseillé d’aller lire celui qui a donné vie à cette théorie, je suis convaincue qu’il est préférable de commencer par le commencement pour se faire sa propre idée, ses propres interprétations sans passer par le filtre d’autres personnes. C’est pourquoi je n’ai ,jusqu’à présent, pas fait d’article théorique sur les IM (intelligences multiples).
J’ai lu, cet été, trois livres d’Howard Gardner :
- L’intelligence et l’école (2012)
- Les intelligences multiples, la théorie qui bouleverse nos idées reçues (2008)
- Les 5 formes d’intelligences pour affronter l’avenir (2009)
J’en suis ressortie ravie parce que j’ai apprécié l’humilité d’un découvreur qui doute et qui tâtonne, qui pense que sa théorie va évoluer avec les nouvelles découvertes, qui la remanie en y ajoutant une 8eme intelligence (naturaliste) et qui s’interroge sur une 9eme (émotionnelle). J’ai apprécié sa grande tolérance d’esprit et sa façon de dire « Si on essayait ? » sans jamais dire qu’il FAUT le faire. J’ai été conquise par son penchant pour les pratiques créatives donc particulièrement souples. J’ai compris qu’il serait une source d’inspiration pour moi.
Son constat établit que bien des personnes ont été laissées pour compte par le système scolaire en raison de la prépondérance accordée au verbal et au raisonnement logique en sélectionnant les individus sur ces seuls critères, et selon lui, même lorsque l’école semble réussir, elle faillit à sa mission. Comprendre doit prévaloir sur savoir, et pourtant la compréhension approfondie des sujets étudiés manquent aux étudiants les mieux formés. Selon des études, il est démontré que face à un problème de base mais présenté d’une manière différente nombreux sont les élèves à ne pas savoir le résoudre, y compris ceux qui ont été les mieux notés.
Impossible à quiconque d’appréhender le savoir dans son intégralité, c’est vers la pédagogie de la compréhension que les enseignants devraient se diriger en abandonnant la pédagogie de la bonne réponse qui n’évalue que la surface sans s’assurer de la profondeur et de la stabilité.
C’est en étudiant les déficiences qu’ Howard Gardner a pensé que l’intelligence était multiple. Ainsi certains handicaps annihilent des fonctions intellectuelles alors que d’autres restent complètement intactes : exemple certains grands déficients sont capables d’exploits mathématiques( résoudre des opérations complexes …), ou bien l’amusie est la perte de la compétence musicale, ou encore certaines lésions déclenchent une indifférence aux autres ou altèrent le sens de l’orientation, ou bien la faculté à reconnaitre les visages, ou encore une incapacité à former des phrases malgré une compréhension du langage intacte …. . Les recherches cognitives ont montré que chaque personne mémorise, apprend, agit, comprend de différentes manières. Howard Gardner en a dénombrées au moins 7, plus tard 8. Il pense que les individus se différencient par leur profil d’intelligences et par la manière dont ils combinent celles-ci. C’est pourquoi il estime qu’il faut d’abord reconnaitre, cultiver puis combiner tous les types d’intelligence humaine.
Ces différences dans les modes d’apprentissage doivent être prises en compte dans la pédagogie et dans son évaluation. Selon lui, l’école doit viser le plus haut niveau de compréhension, il la désigne ainsi : compréhension authentique, celle qui permet à un enfant de se représenter un problème de plusieurs manières et à parvenir à la solution de divers angles car une représentation unique et rigide est insuffisante. Ce faisant l’élève devient capable de savoir si ses compétences actuelles sont suffisantes pour résoudre ce problème ou s’il doit acquérir de nouveaux savoir-faire ou savoirs.
Howard Gardner se dit conscient que les enseignants se sentent entravés dans les obligations institutionnelles et que l’énergie dépensée dans ces contraintes n’est plus disponible pour l’innovation alors courir le risque de la compréhension est bien plus audacieux que de se contenter de la bonne réponse.
Il en appelle à nos propres valeurs et nous interroge sur ce que nous voulons : une école qui délivre des diplômes ou une école qui garantit une place dans une société qui met l’accent sur les liens interpersonnels.
Et c’est tourné vers la collectivité qu’il conçoit les pratiques scolaires innovantes, il parle de jeter un pont entre l’individu, l’école et la collectivité pour qu’il y ait continuité entre ce qui est appris à l’école et les valeurs de la société.
Tout comme lui, j’ai toujours décrit l’enseignant comme un modèle essentiel aux yeux de ses élèves, c’est pourquoi trouver son identité pédagogique pour s’y sentir bien est un objectif à atteindre afin que les élèves voient que le travail de l’enseignant a un sens pour lui et lui assure un bien-être. C’est dans cet effet miroir que chacun participe au mieux à la réussite de l’autre.
Pour ceux qui arrivent en cours de route, voici les 8 intelligences multiples selon Gardner :
- intelligence musicale
- intelligence kinesthésique (corporelle)
- intelligence logico-mathématique
- intelligence langagière
- intelligence spatiale
- intelligence interpersonnelle
- intelligence intra personnelle
- intelligence naturaliste
Je ne prétends pas maitriser cette théorie, mais j’ai compris que ce que nous faisions dans la grande variété des activités proposées en maternelle pouvait s’organiser et servir cette innovation pédagogique.
Ainsi en préparant chaque semaine, vous avez déjà pu observer que pour une compétence, je déclinais (pour le moment) trois entrées selon les IM. Exemple : apprendre le vocabulaire du corps 1 en bougeant les parties de son corps (IM corporelle), 2 en se regardant dans un miroir (IM intrapersonnelle), 3 en écoutant les mots illustrés et chantés (IM musicale).
Tout cela existait déjà mais sans créer suffisamment de ponts pour chacun des élèves.
Ce choix pédagogique a la volonté de la différenciation et de la possibilité pour chacun de trouver sa voie parmi les différentes options de travail.
Nous allons avancer pas à pas et ensemble pour explorer un possible dans le champ des apprentissages. Ce n’est pas une révolution, c’est un passage….