récits d'inspection
En ces périodes d’inspection (Audrey, Maï, Manu et bien d’autres), j’ai pensé que nous pourrions apporter notre témoignage avec le récit d’une inspection qui nous aurait marqués pour diverses raisons (anecdote, ratage, déception, incompréhension, succès….). Ceci afin de relativiser l’évènement et lui rendre sa juste place dans notre vie, montrer ainsi qu’il est à la fois important à vivre mais qu’il ne joue pas sur notre devenir.
J’ai choisi de vous raconter en toute subjectivité comment en Avril 1996 j’ai « subi » les lubies d’un inspecteur qui n’avait jamais mis les pieds dans une classe en tant qu’enseignant (je trouve que la théorie est essentielle mais elle devrait se nourrir de la pratique réelle, l’inverse étant déjà une évidence pour tous ; connaitre le métier ne peut se faire que de l’intérieur).
Bref, à l’époque, j’étais déjà dans mes défis personnels et j’avais demandé à ne pas être prévenue, cela faisait 7 ans que je n’avais pas été inspectée et chaque année, je me disais : « Cette fois, c’est cette année ! ».
Arriva le jour tant attendu , oui contrairement au fait d’être prévenue, c’était une attente beaucoup plus longue, finalement trop longue.
Mes collègues avaient très bien joué le jeu et ne m’avaient rien dit alors que nous étions deux à être inspectées.
L'autre collègue s’appelait aussi Mme Léger, comme moi, et oui il y a parfois des drôles de hasard. Aussi quand l’inspecteur arriva, il commença par me dire qu'il devrait être interdit d’avoir deux homonymes dans la même école. Nous allions le comprendre 6 mois plus tard.
Mon émotion passée, tout se déroulait comme je le souhaitais,même si mes petits élèves , troublés par la présence de cet homme et malgré mes explications se montrèrent un peu timorés.
L’entretien fut un étrange moment où j’assistais à une scène , certainement maintes fois jouée, durant laquelle l’inspecteur prit une feuille blanche et ponctuait son monologue de mots écrits qui remplirent entièrement celle-ci. Je le regardais faire presque hypnotisée par cette forme d'écriture automatique, cela me troublait. C’était un enchevêtrement qui aurait pu être artistique si le but de cet entretien avait été différent.
Alors quelle lubie était à l’honneur durant ces échanges quand le monologue cessait et que je réussissais à placer une question ou une observation ?
La sieste, oui la sieste, cette personne était là pour me démontrer que le dortoir n’offrant pas la possibilité d’accueillir tous les élèves,il y avait d’autres solutions que j’avais négligées, entre autres : coucher les élèves sur les matelas d’EPS dans la salle de jeu. Oui oui, tout à fait ! Et quand je lui fis observer que les autres classes l’utilisaient l’après midi, il me répondit : « Ah vous savez quand des enfants dorment , rien ne peut les réveiller …… ». Je vous laisse imaginer l’écart entre sa théorie et la pratique, j’aurais aimé lui confier des élèves et le mettre au défi de les faire dormir dans les conditions qu’il préconisait.
Ainsi donc je ne retenais qu’une seule chose de cette inspection, mon incapacité à coucher tous mes élèves . Suite à cela, nous avions proposé aux familles qui faisaient dormir leurs enfants chez eux de revenir l’après midi et ceci dés le mois de Mai qui suivit, et nous n’avions eu que peu d’intérêt de la part des familles à cette proposition. Puis des aménagements de l’école offrirent des places supplémentaires.
Je restais très déçue de cet entretien, à la fois parce que je n’avais pas su amener la conversation vers d’autres sujets plus pédagogiques , que je m’étais laissée embarquer dans une direction qui visiblement était choisie et répétée par l’inspecteur mais aussi parce qu’il n’avait rien dit sur ma pratique en terme positif.
Je me demandais ce qu’il allait pouvoir écrire avec sa feuille de gribouillis.
6 mois plus tard, n’ayant toujours pas reçu notre rapport d’inspection, ma collègue et moi-même décidions de nous en informer. Nous apprenions que des feuilles égarées avaient retardé le compte-rendu !!!!!
La réception des rapports fut la suite de ce théâtre de négligences, deux rapports au nom de Mme Léger, deux contenus identiques dont les qualificatifs pourraient être général et vague, aucune appréciation personnalisée et me concernant 1 point pour 7 années d’attente. J’avais pressenti les choses mais ma déception fut tout de même grande, je pestais contre le manque de respect, ma collègue fut plus emportée et chiffonna son rapport qu’elle jeta à la poubelle dans un élan de colère. Je ressentis un moment de découragement et d’envie de me désinvestir.
Heureusement, mes petits élèves furent là pour me redonner le goût et le désir de toujours mieux faire pour eux.
Je décidais donc d’effacer ces mauvaises pensées et de travailler comme je l’avais toujours fait avec passion et plaisir.
La vie est un balancier, l’inspection qui suivit ( 2 ans plus tard) me gratifia de 3 points avec un inspecteur ( qui avait été enseignant !!!!!) qui se montra interrogatif du manque de reconnaissance précédent.
Comme quoi, il ne faut jamais croire que tout est perdu quand une seule voix s’impose et démolit notre estime.
Mon récit est certainement anecdotique, heureusement beaucoup d'inspecteurs font leur travail avec grande conscience et je peux aussi en témoigner. Mais la vie professionnelle nous réserve parfois des moments particuliers qui nous marquent , parfois nous blessent, parfois nous ravissent. Pouvoir l'écrire est un pouvoir que je vous propose de prendre.
A vous maintenant de nous raconter un épisode de votre vie d’enseignant afin de le partager en toute sincérité et toute subjectivité parce qu'évidemment de quel point de vue on se place , les choses ne sont pas ressenties ni comprises de la même façon et que l'objectivité n'est pas à rechercher dans un récit de vie.