impossible de faire atelier langage ?
De même que la semaine dernière j’ai repris le commentaire d’Audrey ( enquête de satisfaction n°5), cette semaine je m’intéresse à celui de David qui écrivait ceci :
Moi qui m'étais dit IMPOSSIBLE de faire atelier-langage
J’ai déjà écrit plusieurs articles sur l’intérêt d’organiser des ateliers langage quotidiennement dans sa classe, j’ai sûrement oublié certaines choses et j’aimerais y revenir.
Afin de mieux comprendre les réticences, je vais essayer d’imaginer les questions que vous vous posez ou les remarques que vous faites à ce propos.
A quoi ça ressemble ?
L’enseignant réunit 4/5 enfants autour d’une table, il a disposé sur la table des photographies (il en faut plus que d’élèves, disons 8 ou 10), chacun est invité à les prendre, les regarder, les commenter (phase collective), puis il demande que chacun trouve sa photographie, celle qu’il désire coller dans son album. Pendant que les 3 autres collent leur photo, l’enseignant va s’asseoir auprès de l’élève qui va commencer à commenter (choisir de commencer par l’élève le plus remuant sinon il ne tiendra pas jusqu’à son tour lors des premières séances puis progressivement il devra apprendre à attendre lors d’autres séances). Celui-ci décrit, raconte le moment de la photo, l’enseignant écrit, relance, encourage, utilise le feed-back (répéter à l’identique ou différemment ce qui vient d’être dit). Dés que l’élève a terminé, il quitte le groupe et l’enseignant passe à un autre élève, il va toujours s’asseoir à proximité pour bien entendre et créer une complicité. Quand une place se libère, un autre élève peut venir s’asseoir.
Quelles photographies ?
L’enseignant prend des photos lors d’activités collectives, de groupes, personnellement je profitais des séances d’EPS et des coins jeux pour les faire. L’avantage de l’EPS est qu’ils sont souvent tous là, tous ensemble. Je mettais les photos sur mon ordinateur, je les réduisais ( sur A4, 4 photos) et je les imprimais puis les photocopiais ( noir et blanc) , les découpais. Ceci a l’avantage d’être économique et d’avoir plusieurs exemplaires de la même photo qui concerne autant d’élèves qu’elle contient.
Et les autres ?
Les autres élèves ont des activités en groupe (ou individuel type ateliers autonomes) avec un groupe pris en charge par l’atsem. Ces activités doivent être suffisamment motivantes pour que la tâche soit prenante et que les élèves ne sollicitent pas l’adulte. Personnellement, je conseille l’activité peinture libre, une fois qu’ils ont appris à se débrouiller ( et ça va très vite) , ils sont captivés et peuvent y rester un bon moment. L’atsem y jette un œil mais peut s’occuper d’un autre groupe.
Pas assez de silence pour entendre ce qui est dit ?
Voilà pourquoi dés les premières semaines, le travail sur le bruit doit être mis en place, expliqué, régulé et exigé avec des règles claires de respect des autres. Quand l’enseignant est avec son groupe de langage, il insiste les premiers temps sur la nécessité de comprendre ce que l’élève lui dit et rappelle à l’ensemble de la classe qu’il est nécessaire de parler doucement pour favoriser le travail de langage. Etant donné que tous les élèves passent à l’atelier langage, ils comprennent assez vite et se montrent respectueux parce qu’ils se sentent concernés.
Ça prend trop de temps ?
Pas du tout, un élève de petite section ne fait pas des phrases et des phrases pour commenter une photographie, il parle deux minutes et c’est bien. Ce travail est basé sur la régularité, prendre l’habitude de parler, oser sa parole, s’exprimer pour penser par soi-même. Il ne faut pas que cela soit fastidieux, la fluidité est le moteur de l’activité.
Et celui qui refuse ?
C’est exactement la même chose que celui qui refuse de peindre, il faut respecter son refus, tout en le sollicitant à nouveau à un autre moment. Il y a celui qui veut coller sa photo mais qui bloque au moment de parler avec l’adulte. L’enseignant se montre patient et peut tenter de débloquer en proposant que l’enfant pointe ( montre moi où tu es, montre moi Maitresse, montre moi untel ….) puis l’encourage à dire un mot ( qu’est-ce que tu as dans les mains ?). Si le refus persiste, l’enseignant écrit X a refusé de parler.
Normalement la situation se débloque en quelques séances mais il arrive que certains enfants soient particulièrement fermés. Cela m’est arrivé. J’ai pris le parti de la bienveillance en proposant à l’élève de lui faire des suggestions et elle devait dire si cela lui convenait en faisant oui ou non de la tête , j’écrivais donc une phrase que j’avais moi-même prononcée ( en notant bien que c’était moi qui l’avait dite). Suite à plusieurs séances, j’ai choisi délibérément de me tromper pour la faire réagir, ce qui fut le cas et c’est ainsi qu’elle a fini par accepter de parler.
Pas toujours facile d’écrire ce qui est dit ?
Contrairement au bilan langage (proposé chaque trimestre), ce travail sur le langage s’attache aux objectifs langagiers suivants : les pronoms, les temps et la complexification. Il n’est pas question de l’articulation même si en utilisant le feed back, l’enseignant permet à l’élève de se réapproprier sa phrase et éventuellement de corriger sa prononciation. Ainsi l’enseignant écrit les phrases qu’il entend en ne reproduisant pas les défauts d’élocution ( z’ai un banon devient j’ai un ballon), c’est important parce que cet album langage va être repris avec l’enseignant , avec la famille qui lira à l’enfant et il aura besoin d’entendre ce qu’il a dit de manière corrigée, seule la syntaxe est gardée , y compris si elle n’est pas correcte ( moi jouer au ballon). La syntaxe est conservée parce que c’est elle qui intéresse et que l’évolution doit être visible.
C’est difficile de parler à l’élève en pensant à l’objectif langagier recherché ?
Effectivement l’enseignant fait parler l’élève en ayant en tête un objectif langagier, l’utilisation du pronom JE peut parfois prendre du temps selon les élèves. Il va donc interroger ceux-ci en cherchant à les faire parler d’eux-mêmes, Il accepte toutes les étapes : celui qui parle de lui en disant son prénom, ou moi ou bébé ou i , tout en lui faisant une proposition un peu au dessus de son niveau ( l’enfant dit : alexandre ballon – l’enseignant propose : moi j’ai un ballon) si l’élève répète après l’enseignant , celui-ci note , sinon il écrit alexandre ballon. Evidemment, pour un autre élève, il peut avoir un objectif différent si celui-ci maitrise complètement l’utilisation du pronom Je. Cela demande donc une certaine gymnastique intellectuelle qui est facilitée par la répétition de la situation.
Comment faire passer tous les élèves ?
Un temps quotidien est programmé d’environ 15/20mn , pour mon organisation, il s’agissait du temps d’atelier 1 avant la récréation. Cela permet de prendre jusqu’à 6/7élèves (c’est très variable mais les 4 élèves du début de séance ont le temps de parler). Ensuite peut se rajouter des temps pris à la sortie de sieste, pendant l’accueil du matin…. Tous les élèves parlent sur la semaine.
Voici les questions auxquelles j’ai pensé, je ne doute pas qu’il y en ait d’autres, je compte sur vous pour les trouver.