Les conflits: volet 4-choisir de changer
Au cours du débat sur « Agir en professionnel » dans la série « Les conflits », Karine a soulevé un point qui me semble essentiel dans les mécanismes organisateurs , elle a parlé de conflit avec soi-même.
Notre fonctionnement procède de manière à vouloir toujours avoir raison tout en cherchant le plus possible à plaire aux autres. Dés lors qu’une situation d’opposition se présente, la peur de se sentir rabaissé, contredit, blessé vient parasiter la relation. Il faut bien comprendre que la plupart du temps celui qui maltraite le plus un être humain, c’est lui-même. On désire tous être aimés et acceptés, mais il est bien difficile de s’aimer et de s’accepter tel qu’on est.
C’est pourquoi l’agressivité exprimée n’est parfois que l’expression de sa propre maltraitance, je veux dire par là qu’une personne qui traite mal ceux qui l’entourent montre à quel point elle se rejette elle-même en faisant en sorte que les autres la prennent en grippe. La haine reçue ne lui apporte rien de bon mais c’est un processus d’autopunition.
D’autre part, certaines personnes sont plus vulnérables aux conflits et se retrouvent souvent la cible d’attaques, c’est en partie dû à cette opinion négative qu’elles ont d’elles-mêmes et qui prête le flanc aux affrontements.
La question de Michèle lors du débat : « Comment réagir face à ce genre de personne ( dans la vraie vie je pense que la solution est la fuite....) mais dans un lieu fermé comme une école.... QUI A DES SOLUTIONS ? » m’a d’abord fait sourire avec son expression « dans la vraie vie », comme si l’école n’était qu’une sorte de vie parallèle, ce qui en soi n’est pas complètement faux sauf que les relations humaines restent des relations humaines quel que soit l’endroit, et donc elle m’a d’abord fait sourire puis m’a incitée à développer ma réponse.
Depuis le début de cette série « conflits », je rappelle le cadre professionnel et la nécessité de se positionner en tant que tel. Pourtant, ma réponse va aller au delà de ce cadre et proposer une manière d’être qui peut se transposer à toutes les situations de la vie. Il me semble nécessaire d’élargir et mon propos d’introduction montre que ce qui se joue dans les conflits professionnels touche également à l’intime.
En premier lieu, j’ai défendu l’importance de reconnaître sa vulnérabilité dans son rapport à soi. En quelque sorte, je pointais la nécessité de savoir renoncer à toujours avoir raison, puis j’ai insisté sur l’importance de s’affirmer dans son rapport aux autres. Je voulais dire que chacun puisse être lui-même dans sa vulnérabilité tout en en ayant la force d’ exprimer ce qu’il veut, ce qu’il pense, ce qu’il est. Enfin, j’ai pointé la nécessité d'agir en professionnel dans son rapport à l’action pour exprimer notre universalité, c’est à dire que nous sommes concernés par tout ce qui nous entoure et nous avons une responsabilité à prendre en agissant pour une école pour tous.
Reste donc la question du COMMENT.
Chacun peut se faire sa propre réponse et je ne doute pas que vous vous y êtes déjà et de nombreuses fois penchés. A chaque conflit, chacun souhaite trouver comment y remédier, comment éviter une récidive, comment se protéger…
Je vais vous exposer mon point de vue qui n’est en rien une méthode. Il s’agit simplement de quelques clés dont chacun évaluera si elles peuvent ou non l'aider.
En premier lieu, je crois que tout changement ne vient que de soi-même. Attendre les améliorations sans agir n’est qu’une illusion vouée à l’insatisfaction, c’est pourquoi changer est un choix personnel et déterminant.
Le premier principe du changement est de décider de ne rien faire contre soi. La communication dont dépend la relation aux autres est un vecteur puissant qu’il faut particulièrement soigner. La parole peut détruire et quand elle est utilisée sans précaution elle se retourne contre son auteur. C’est pourquoi en choisissant d’ être attentif dans sa manière de parler aux autres, en évitant les jugements, en oubliant les opinions négatives qui n’apportent rien, en n’alimentant pas les médisances…, on se protège soi-même des jugements, des opinions négatives, des médisances…Je crois à l’effet miroir : si je suis aimable, souriante, encourageante, prévenante, je vais recevoir ce que je donne. C'est la même chose quand on se parle à soi-même, la bienveillance doit également être recherchée car une opinion de soi détériorée est ressentie par les interlocuteurs qui se donnent le droit d'accentuer cette faille. A l’inverse, le respect qui émane impose le respect. Tout cela n’a rien de facile surtout quand cela fait des années qu’on se déprécie et qu’on se juge sévèrement, mais une porte est ouverte.
Bien-sûr, même en se montrant agréable, il arrive de devoir affronter l’hostilité , c’est donc le deuxième principe du changement que de savoir retourner la colère, l’agressivité en considérant qu’elle ne vous est pas destinée. Comme je l’explique plus haut, la personne qui traite mal les autres exprime son propre rejet d’elle-même, c’est sa manière de se faire mal parce qu’inconsciemment elle pense qu’elle le mérite et que la souffrance est son habitude, qu’elle lui est plus familière que la douceur et l’affection. Il est donc important de s’en protéger en reconnaissant que ce n’est pas votre problème mais le sien. Cette attitude n’empêche pas de continuer à être en accord avec le premier principe et de ne pas se laisser emporter dans des paroles blessantes, jugeantes ou méprisantes à l’égard de la personne hostile. Le pouvoir de rétablir un dialogue, une relation dans la courtoisie et l'écoute revient à celui qui se sent fort intérieurement.
Les conflits naissent de l’incompréhension mutuelle et des interprétations que chacun fait des désirs , des pensées et des intentions de l’autre. C’est pourquoi il est nécessaire de se préserver de ces suppositions en surmontant la peur de demander des explications ou d’exprimer ses besoins. C’est une démarche courageuse qui s’inscrit dans la volonté de changer. Pourquoi avoir peur puisque la communication est bienveillante et qu’en cas d’hostilité, l’émotion doit être retournée vers son auteur ? Je sais combien ces changements demandent du temps et un bouleversement personnel qui n’ont d’intérêt que si l’envie de changer est réelle. C’est pourquoi il est important de se donner le droit à l’erreur et d’être convaincu qu’en faisant de son mieux on parviendra à changer. Tous les actes de la vie sont marqués par ce besoin de faire de son mieux et c’est une manière de se respecter que d’agir dans cet état d’esprit.
Voici brièvement comment répondre à Michèle ainsi qu’à tous ceux qui s’interrogent sur les conflits au sein de l’école. Je ne prétends pas savoir mieux que vous comment agir en cas de conflit, je propose une réflexion sur une manière d’être. J’ai tenté de résumer ma façon de penser et je propose que ,dans les prochains articles, nous traitions de cas concrets afin de donner des exemples éclairants.
J’attends vos réactions, ce sont vos commentaires qui nourrissent le blog et permettent le changement. Merci