l'école peut-elle se passer de la participation des familles ?
L’investissement des familles est sollicité, celui-ci est inégal et peut mettre l’élève en difficulté si la participation familiale est quasiment nulle. Faut-il privilégier le groupe ou l’individu ?
La question était posée dans l' article " Et si le voyage de la marionnette ne servait à rien" et vos réponses ont été les suivantes :
Valérie93 pense que la magie opère et quelque soit les familles, il n’est donc pas question d’anticiper négativement. D’autre part, elle pense que le contenu du carnet de voyage n’est pas le but majeur et que le désir de l’élève à communiquer est prépondérant.
Maud cherche comment alléger le plus possible les contraintes des familles en fournissant tout ce qui est nécessaire pour l’investissement (appareil photo, clé USB)
SylvieG inverse la question et s’interroge sur le surinvestissement qui peut également être un problème (trop de photos donc difficile à gérer au moment du récit).
Emilie44 pense que le travail en amont avec d’autres projets de type sac à album sont des facilitateurs qui préparent les familles dans leur participation.
Hélène suggère de faire des liens entre familles avec des échanges de la marionnette de maison à maison durant les ponts.
Mahaut anticipe l’inégalité en prenant des photos à l’avance dans la classe avec l’élève-hôte afin de lui assurer une participation photographique dans son carnet de voyage.
La question qui me vient immédiatement est
« L’école peut-elle se passer de la participation des familles ? »
Partant d’un postulat égalitaire, il serait logique de se dire que si l’école veut rompre avec les inégalités, elle ne doit plus engager les parents dans aucune action de manière à ne pas créer de situations où certains seraient favorisés et d’autres non.
Dans ce cas, elle ne doit plus donner de devoirs ni de leçons à tous les niveaux de la scolarité tant que les élèves n’ont pas l’autonomie suffisante à étudier seuls , elle ne doit plus demander par le biais des cahiers de liaison toutes sortes de collaborations qu’elles soient matérielles, qu’elles soient du réinvestissement, qu’elles soient de créativité. Le vase clos est de rigueur puisque le risque est dans l’indifférence et la non-participation parentale.
Est-ce tenable ? A l ‘heure où le scolaire est jugé prioritaire dans l’avenir des enfants , à l’heure où l’échec scolaire est un enjeu national, à l’heure où l’enfant a une place reconnue dans la cellule familiale, à l’heure où des études montrent que l’influence des parents joue dans l’engagement scolaire des élèves, peut-on faire le choix d’une fermeture en pensant que l’ouverture serait source d’inégalité ?
Comme le dit Valérie93, les inégalités existent déjà, l’école ne peut-elle pas faire le choix de contrecarrer celles-ci en agissant au plus près des familles ?
Emilie44 propose l’argument qui est d’agir avec les familles en amont d’un tel projet ( voyage de la marionnette), c’est effectivement dans une construction de partenariat au fil de l’année que l’enseignant diminue le risque de non-participation et donne aux familles l’opportunité de répondre à la confiance qui leur est envoyée.
Certaines familles peuvent donner l’image d’une certaine indifférence, il faut être vigilant, il s’agit souvent de personnes qui ne sentent pas à l’aise dans un environnement scolaire, qui pensent ne pas y avoir leur place et/ou qui ne s’en sentent pas capables, cela n’a rien à voir avec l’intérêt qu’ils ont concernant la réussite de leur enfant. Dans une relation de reconnaissance, beaucoup peuvent devenir actifs et s’investir parce qu’ils auront perçu la place qui leur est faite ni trop floue ni trop rigide.
Evidemment, il y a quelques familles qui resteront résistantes à l’école, souvent cette résistance est due au sentiment que l’école n’est pas reconnue comme un outil de promotion sociale et ces parents n’en attendent pas grand-chose, l’école peut devenir insignifiante.
Cependant, aucun enseignant ne peut et ne doit envisager à l’avance quelle famille refusera la porte ouverte. Sa confiance envers tous est l’attitude qui offrira le plus de chance pour faire changer la perception des familles réticentes.
Il est important de comprendre que l’effet de cette attitude sur les élèves est fondamental. Effectivement, les enfants reproduisent la position de leurs parents par rapport à l’école, un parent qui dénigre l’enseignant met son enfant ,souvent sans le vouloir, dans un conflit de loyauté, celui-ci se trouve tiraillé entre sa famille et son enseignant, et la plupart du temps, l’enfant choisit le positionnement de ses parents et va agir avec l’enseignant en fonction de ce rejet. C’est pourquoi même absents les parents influencent l’action scolaire malgré toute la distance voulue.
Le pari du courage dans la volonté de nouer un lien me semble être beaucoup plus profitable dans la lutte contre les inégalités. Croire que l’école renforce celles-ci en incitant la participation familiale comme dans notre projet est un sentiment passéiste qui ne tient pas compte de l’évolution de la société et qui isole encore plus les enseignants dans une tour d’ivoire dominante qui ne pourra plus jamais ressembler à ce qu’elle a été.
Ces débats de fond autour du voyage de la marionnette vont se poursuivre dans les semaines qui suivent à partir de vos réactions et de vos questions. Merci si vous y contribuez.