la collation à l'école, on fait quoi ?
Notre thème pour l’année étant l’alimentation, il m’était impossible de ne pas débuter celle-ci par une réflexion collective autour de la collation de 10 heures.
Ceux qui me lisent depuis un certain temps connaissent mon point de vue et ont participé à des échanges sur la question (lire ici), je veux néanmoins y revenir en cette période de préparation de rentrée. Je ne détiens aucune vérité concernant cet apport alimentaire, je veux surtout que nous puissions en discuter et donner nos opinions afin que chacun fasse son choix en connaissance de cause.
Je dois remonter loin dans ma mémoire pour me souvenir d’une collation en milieu de matinée dans ma classe, j’ai assez vite trouvé que celle-ci était chronophage et s’imposait à tous sans prendre réellement en compte les besoins de chacun. J’ai donc décidé ,en considérant que j’étais seule responsable de l’organisation de ma classe, de proposer un petit déjeuner le matin dés l’accueil pour ceux qui l’auraient manqué chez eux (6% des enfants de 3 à 14 ans ont pris de 0 à 4 petits déjeuners sur une semaine dans l’enquête INCA 1 ; voire n’en prend jamais ,1, 4 % des enfants de 3 à 17 ans n’ont pas pris de petit déjeuner au cours des 7 jours de l’enquête INCA 2). Effectivement, durant plusieurs années, j’avais autour de la table de notre coin cuisine 3 ou 4 enfants qui venaient prendre un petit déjeuner. J’ai choisi d’abandonner cette organisation en concertation avec les parents lors des premières interrogations sur l’obésité croissante dans la population. Mes collègues de l'école n'ont jamais suivi mon choix.
Je n'argumenterai pas sur l'apport énergétique inutile qui ne correspond plus au problème de malnutrition que notre société a pu connaître, je préfère choisir un autre angle de vue qui touche au comportement et donc à l'aspect le plus inapparent.
L’enfant jeune commence à structurer ses habitudes alimentaires avec l’aide de sa famille, celles-ci détermineront durablement sa conduite future de mangeur. L’école participe à son éducation par le biais de la cantine et de ses menus diversifiés mais aussi par les projets de classe ou d’école autour de la nourriture; ce qui semble être le plus pertinent est de privilégier le travail sur les sens afin d’aborder de nouveaux horizons gustatifs à partir des couleurs, des odeurs, du toucher …mais il est un point essentiel dans la construction des habitudes alimentaires qu'il ne faut pas négliger et qui influence nos comportements, c'est la sensation de faim : il faut manger quand on a faim, quand le besoin s’est fait ressentir. Or en proposant un goûter au milieu de la matinée, celui-ci n’est pas forcément justifié pour celui qui n’a pas faim et le risque est aussi d’annihiler cette sensation pour une grande majorité d’enfants au moment du repas de midi. Se nourrir devient alors une injonction sociale et chacun perd les signes physiques qui justifient l’acte de manger. Mieux vaut avoir le ventre qui gargouille, les risques pour la santé sont nuls, que de manger sans faim et d’en faire une habitude alimentaire tenace et néfaste.
Durant toutes les années où j’ai travaillé sans collation, je n’ai jamais eu d’élèves en souffrance, ni de parents qui m’ont reproché ce choix (par ailleurs expliqué), de surcroît, la responsable de cantine me confirmait le bon appétit de mes élèves et se réjouissait de les voir manger.
Le temps de la collation est un temps pris sur les apprentissages, je ne doute pas que le langage et le vivre ensemble y ont toute leur place, mais j’observe que la ritualisation de ce moment est souvent synonyme de routine, aucune progression n’est vraiment envisagée et la situation s’appauvrit pour les élèves au fil de l’année au détriment d’activités structurées et progressives dont l’école est responsable. Il y a des pratiques qui semblent immuables et que chacun perpétue en toute honnêteté sans vraiment s'interroger . Il y a aussi des personnes qui s'interrogent mais qui ne se risquent pas au changement tant que l'équipe de l'école n'est pas accordée. Il y a également des enseignants qui apprécient ce moment un peu flou qui ne nécessite aucune préparation et qui leur donne un souffle dans l'agitation.
Comme à mon habitude, j’ouvre le débat afin de vous laisser argumenter à tour de rôle votre position sur ce sujet ainsi que vos expériences en la matière, je ne doute pas que vous allez réagir à mes propos.
Pour la clarté, il est important que je vous livre un élément important de ma vie, ma fille aînée est médecin nutritionniste dans un hôpital et mène en parallèle des recherches sur l’obésité dans le laboratoire de recherche où elle travaille également.Cela ne fait pas de moi une spécialiste, juste une personne informée.